Agneau pré salé

Si l’on ne présente plus le Mont-Saint-Michel, on ignore souvent que c’est sur ce terroir unique qu’est élevé l’un des fleurons de notre gastronomie : l’ agneau de pré salé.

L’ agneau de pré salé : le choix d’un producteur

On ne peut guère mieux résumer la passion d’un homme pour son métier : « C’est toute ma vie. » Yannick Frain est issu d’une famille d’éleveurs d’ agneau pré salé depuis quatre générations. La filiation n’était pourtant pas évidente.

Parti vivre au Canada quelque temps avec la ferme ambition de poursuivre ses voyages à travers le monde, Yannick rentre en France plus tôt que prévu suite à un décès dans sa famille.

agneau pré salé
Tandis que les touristes gravissent le Mont-Saint-Michel, les agneaux arpentent les prés-salés environnants couverts d’une végétation endémique.

Son père le met devant un choix : rester et reprendre l’exploitation ou vendre et repartir voyager. L’homme choisit la première solution sans abandonner toutefois la seconde :

« J’ai choisi de faire voyager les personnes qui viennent à ma rencontre en les emmenant avec moi en transhumance et en leur expliquant notre mode d’élevage. »

Dès 1991, avec sa femme Lydie, il construit des gîtes. Cette année, le couple vient d’ouvrir des chambres d’hôtes*. Plus que le gîte et le couvert, la famille Frain offre un voyage au cœur d’une tradition française.

Précieux agneau de pré salé

Les Chinois sont venus le visiter pour essayer de dupliquer l’élevage chez eux. On peut reconstruire des châteaux à l’identique mais comment importer un terroir ?

En l’occurrence, des prés-salés. Et quels prés ! Le Mont-Saint-Michel connaît les plus grandes marées d’Europe. Une végétation particulière s’y développe : salicorne, obiome, puccinellies. On les appelle des « herbus ».

« Nous autres éleveurs, on se bat pour la définition de l’agneau pré salé. Les Anglais font des agneaux qui ont pâturé sur ce qu’ils appellent des prés-salés mais qui ont juste été léchés par les embruns. Nos prés-salés sont entièrement inondés. Ça change toute la végétation. »

Autre grand débat que les éleveurs ont à cœur : jusqu’à quelle distance de la mer, trouve-t-on des prés-salés ? Évidemment plus on s’éloigne, moins les près sont inondés et la végétation halophile s’appauvrit.

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Christophe Wasser, chef de L’Ormeau, à Cancale, met à l’honneur cette viande raffinée sur sa carte.
  • Dans le cahier des charges de l’AOP « prés-salés du Mont-Saint-Michel », la race est également importante. La suffolk est majoritaire bien que six autres races locales soient autorisées.
  • Par ailleurs, les agneaux doivent paître au minimum 70 jours, mais, en moyenne, Yannick Frain emmène son troupeau entre 150 et 180 jours par an aux prés.
  • Pour brouter les herbus, les bêtes parcourent en moyenne 10 à 15 kilomètres quotidiennement.
  • L’été, Yannick Frain conduit son troupeau tôt le matin à la fraîche puis revient le chercher vers 18 h.
  • « Les bêtes m’attendent à la barrière. Le matin, elles longent la digue de mer et reviennent par l’intérieur.
  • C’est le même cheptel depuis quatre générations. Les mères apprennent le parcours à leurs agneaux. »

Agneau de pré salé : une chair très blanche

Ce mode d’élevage confère donc bien évidemment à la viande un goût très particulier. Ainsi, ce jour, Yannick Frain livre une carcasse entière à Christophe Wasser, chef du restaurant L’Ormeau à Cancale.

« J’ai choisi de cuisiner les produits de la baie. L’ agneau pré salé AOC du Mont-Saint-Michel a une chair très blanche qu’on pourrait comparer à celle du veau. Je préfère les mâles très peu gras. J’essaie de le cuisiner avec des poivres doux, mais pas d’épices trop fortes ou de persillade pour respecter cette saveur unique. »

À produit unique, recette unique. Exit les currys et autres ragoûts qui cachent le goût de la viande. Ce produit très noble invite à des recettes qui le sont tout autant.