Le pluriel s’impose quand on parle du poivre. Cette famille recomposée regroupe en effet des baies bien différentes, tant au niveau de l’aspect, du goût que de l’intensité.

Poivre : l’art d’assaisonner

Il trône sur toutes les tables, toujours en binôme avec le sel mais aussi invariablement en léger recul. Ne vient-il pas en seconde position quand on demande le sel et le poivre ? Les sensations qu’il procure en bouche compensent cette humilité de façade et l’on sait devoir être prudent sur le dosage.

Il y a le poivre au teint grisâtre qui joue les seconds rôles dans la poivrière. Puis les invisibles, qui ne se livrent qu’après un tour de moulin.

Ceux-là ont leurs lettres de noblesse : leurs grains, encore entiers, ne sauraient souffrir l’agression de la lumière. Ce n’est qu’au tout dernier instant, juste avant le grand saut dans l’assiette, qu’ils libèrent, fraîchement concassés, leurs précieuses molécules. Et l’on n’imagine pas à quel point les poivres de grand cru peuvent, selon leur identité, métamorphoser un plat.

Habilement choisis, ils enveloppent les mets d’un étrange voile gustatif, intrigant, déconcertant.

Les papilles tâtonnent et s’interrogent, tentant d’identifier telle et telle note subtile : est-ce un arôme d’agrume, de thé fumé, de cuir… ? La dégustation entre alors dans une quatrième dimension.

poivre rouge arvor

Maquereau mariné aux baies roses et au gingembre

 


Lire aussi : Baie de genièvre  : ses bienfaits et ses recettes


Histoire du poivre

  • Les conquérants et les explorateurs avaient, dès l’Antiquité, une conscience aiguë de la valeur de ces grains.
  • La précieuse épice servait de monnaie d’échange, tantôt butin, tantôt récompense.
  • Âprement convoitée, elle fut le moteur de nombreuses conquêtes.

Vasco de Gama en débarquant en Inde en 1498, n’affirmait-il pas venir « chercher des chrétiens et du poivre » ?

La course aux poivres fut le point de départ de grandes découvertes : l’exploration des côtes africaines, la route des Indes par l’est, la découverte de l’Amérique par les Portugais et les Espagnols à la recherche d’une voie maritime par l’ouest…

Les bienfaits du poivre

Difficile de concevoir que nos ancêtres aient pu apprêter et lancer des navires par-delà les océans en raison du simple attrait aromatique du poivre. Celui-ci, à l’instar des autres épices, était aussi et surtout recherché pour un usage médicinal.

Ces plantes recèlent une biochimie complexe, réunissant plusieurs principes actifs : bactéricides, antiseptiques, anti-inflammatoires, anti-infectieux, antioxydants… C’est en raison de leurs vertus antimicrobiennes et conservatrices que toutes les cuisines du monde les ont intégrées.

Sa réputation aphrodisiaque, enfin, a sans aucun doute contribué à augmenter sa valeur marchande. « Le plaisir de Vénus » n’avait d’ailleurs pas droit de cité dans certains monastères, comme celui des Cisterciens.

poivre rouge arvor

Gnocchis poêlés au fromage, poivre de Tellichery.

 

Culture du poivre

En termes de botanique, un poivre est une baie, fruit d’une liane de la famille des pipéracées.

Cette famille regroupe plusieurs espèces, dont  :

le Piper nigrum (le plus courant),
le  timiz,
le  cubèbe,
le poivre de Java,
le poivre  rouge
le poivre voatsiperifery.

Des baies n’appartenant pas au genre Piper sont néanmoins consommées comme du poivre : les baies de Sansho, du Sichuan, la baie timur ou la baie rose de Madagascar.

Ces lointaines cousines complètent la gamme avec des saveurs piquantes, douces ou épicées flirtant, selon les variétés, avec des notes mentholées, florales, fruitées, balsamiques, pharmaceutiques…

Une telle palette a de quoi stimuler la créativité du cuisinier. À condition que celui-ci ait la curiosité de faire le premier pas. On ne se doute pas de l’extrême diversité de formes, d’origines et par conséquent de parfums. Il mérite qu’on le sorte de l’anonymat, à travers un chemin d’apprentissage.

Comment ? En s’offrant quelques grands crus. Pour le prix d’une bouteille de vin (bue en une soirée), un grain de qualité vous accompagnera pendant des mois. Regardez attentivement sa provenance et son prix au kilo : les poivres vendus en GMS se révèlent parfois plus chers qu’un grand cru vendu en épicerie fine.

poivre rouge arvor

Ananas rôti au sirop d’érable et poivre du sichuan

 

N’hésitez pas enfin à investir dans un mortier en granit, au grain abrasif et au col resserré pour que les grains ne s’échappent pas. Il permet de réaliser des mélanges de poivres faits maison et évite ainsi les manipulations fastidieuses de vidage et remplissage d’un moulin. Il vous deviendra vite indispensable, de même que ces petites baies plus surprenantes les unes que les autres.

Sauce au poivre : la recette