Moins prisée par les touristes que les plages et les îles du sud du pays, la Thailande du Nord, avec ses multiples visages, réserve bien des découvertes culinaires et touristique, de Bangkok à Chiang Mai.

Thaïlande du nord

À l’évidence paradisiaque – ou massivement hédoniste – des plages et îles du sud de la Thailande, pourquoi ne pas préférer une balade vers les régions du Nord ?

Pour remonter, de Bangkok à Chiang Mai, à travers le pays des rizières, des royaumes disparus, de la jungle escarpée, à la découverte d’expériences, de décors et de goûts insoupçonnés.


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D’un coup d’aile, on quitte d’abord la capitale de Thailande en direction de Sukhothaï.

À 450 km du stress de la mégapole, le cœur agricole de la Thailande bat au rythme de la riziculture.

On traverse ainsi des plaines dessinées par les rectangles des rizières, dans lesquelles les tracteurs ont généralement remplacé les buffles (voir Saveurs n° 215). Sukhothaï – « l’aube du bonheur » – est autant une région qu’une ville, ancienne capitale du royaume de Siam.

Fondée au xiiie siècle, sa prospérité culturelle et religieuse a laissé des vestiges constituant l’un des plus vastes sites historiques d’Asie.

À une dizaine de kilomètres de la Sukhothaï moderne, le parc archéologique s’étend avec une irréelle beauté.

Le sanctuaire de Wat Mahathat y essaime palais et temples en ruines, peuplés de statues géantes de Bouddha, adossées aux chedi et stûpa, reliquaires en forme de bouton de lotus ou de cloche.

Entourés de pelouses arborées et de pièces d’eau, ces bienveillants colosses nous invitent à méditer sur la fragilité des civilisations, tout en sublimant leur souvenir.

À la rencontre des dresseurs d’éléphants

La province regorge de splendeurs séculaires, synthétisant dans la blancheur des stucs et le rouge érodé des latérites, les héritages hindous, môns, khmers ou cinghalais.

Après s’être émerveillé des vestiges du temple Wat Chang Lom, dont le socle est soutenu par une trentaine d’éléphants de pierre, on file plus au nord, vers la région de Lampang.

En passant du royaume de Sukhothaï à celui de Lanna, le paysage gagne en relief et densité forestière.

Les haltes gourmandes témoignent aussi du trajet parcouru. Près du temple et monastère bouddhiste de Phra Tat Lampang Luang, célèbre pour son entrée gardée par des lions, on goûte ainsi une soupe khao soi, typique du Nord et de l’influence de ce que fut l’occupation birmane.

Pas de lait de coco ici, comme c’est souvent le cas dans le sud ou le centre du pays, mais un bouillon carné rendu délicieusement aigrelet par l’ajout de sauce de poisson, citronnelle, piment, oignons frais et chou salé, sur lequel se dressent des nouilles croustillantes.

Plus dépaysant encore, le marché de Kad Tung Kwian, à Lampang, témoigne d’une culture de la chasse et de la cueillette.

Si la vente de gibier est plus réglementée que jadis, on trouve encore sur les étals des genres de varans, des serpents ou des rats des champs.

Déjà frits et salés, les insectes sont aussi à l’honneur.

Larves aux feuilles de pandanus, criquets, blattes aux grosses carapaces, larves d’abeilles encore sur leur rayon de miel…

Le ver à soie a une petite saveur de noisette, mais le reste manque d’intérêt gustatif.


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Plus attirants, des champignons en forme de petites boules noires. Poussant dans les brûlis, après la pluie, ces genres de vesses-de-loup sont si prisés que la multitude des feux provoqués pour leur culture entraîne des problèmes de pollution dans les vallées. Parmi les tribus des montagnes, le peuple karen fournit traditionnellement les meilleurs dresseurs d’éléphants. On en a la preuve au Chiang Dao training centre, installé en forêt, au bord de la rivière Ping, à 50 km au nord de Chiang Mai, Thailande. Dans ce décor de jungle, les mahouts – ou cornacs – karens proposent des démonstrations de ce qu’étaient les travaux forestiers des pachydermes, puis se baignent dans la rivière avec leurs imposants compagnons. Un moment merveilleux, en pleine nature, avant de retrouver l’agitation urbaine.

  1. À quelques pas d’une pièce d’eau, Bouddha veille à la sérénité du parc historique de Sukhothaï. Derrière, un chedi en forme de cloche et à droite, les restes d’une colonne de temple.
  2. De jeunes moines se réunissent dans le temple bouddhiste du monastère de Phra Tat Lampang Luang.

Début de journée au marché

Si Chiang Mai est la troisième plus grande ville de Thailande, l’ambiance de la Rose du Nord n’a rien à voir avec l’étouffante frénésie de Bangkok.

Cité étudiante, animée culturellement, l’ancienne capitale du royaume de Lanna, encore dessinée par des vestiges de remparts et les cinq anciennes portes de la ville, distille douceur et décontraction.

Un art de vivre particulièrement perceptible sur des marchés, autant fréquentés pour le choix des produits bruts que des plats cuisinés.

Le plus ancien et le plus important est celui  (suite page 112) de Warorot. Les premiers clients se pressent dès 6 heures.

Les vapeurs du riz gluant, cuit dans de grands paniers tressés, embaument le petit matin. Ouvriers et employés de bureau en font provision, complétant ce pain quotidien de sauces ou autres en-cas, comme ces brioches ou ballotins de feuilles emplis de farces épicées.

  1. Les premiers clients arrivent au marché dès 6 heures du matin. Les commerçants cuisinent et déjeunent sur place.
  2. Nouilles croustillantes au poulet et lait de coco
  3. Les cornacs karens transportent  les bambous dédiés au confort des pachydermes
  4. Les cornacs karens, dresseurs d’éléphants réputés, mènent les bêtes à la rivière Ping, au cœur de la forêt, pour la baignade. Ils transportent également les bambous dédiés au confort des pachydermes
  5. Plus sauvage que celui de Sukhothaï, le parc historique de Si Satchanalai invite à la méditation.
  6. À la tombée du jour, les cuisiniers de rue s’activent sur le marché de Warorot, à Chiang Mai, Thailande pour satisfaire l’appétit des clients.

Thailande, le Pays du Sourire

Comme dans le reste du pays, on est frappé par la fraîcheur et la variété d’une mosaïque culinaire, aussi riche en fruits (la région est celle des litchis), légumes, herbes, viandes ou poissons, qu’en spécialités préparées dans la rue.

Le Nord de la Thailande possède ses plats typiques tels les colimaçons dorés des sai-ua, saucisses relevées de piment et citronnelle, les serpentins croustillants de couenne de porc frite ou les déclinaisons des nam phrik, ces « dips » composés, par exemple, de porc haché, piments frais grillés, tomates cerise, ail et pâte de crevettes, dans lesquels on trempe riz gluant, légumes vapeur ou crudités.

Si la chaleur tropicale vide les rues à la mi-journée, le marché reprend sa vie trépidante après 17 heures et se poursuit jusque tard dans la nuit.

Aujourd’hui, rares sont les Thaïs qui mangent à la maison. On les comprend.

Partout cela grille, frit, cuit à la vapeur ou saute dans les woks.

On se régale de petites crêpes au lait de coco, de salade de riz croquant au porc fermenté, de calamars à la braise, de feuilles de bananier farcies de poisson-chat, de mangue, verte, roulée dans le sel (ou le sucre) pimenté, ou mûre à point avec sticky rice et lait de coco.

En se disant que Thaïlande, le Pays du Sourire est aussi celui des papilles.