Humble et souriant, Bruno Aubin appartenant à la brigade jaune de Michel Sarran a été éliminé du concours de Top Chef 2021 le mercredi 10 mars. A défaut d’une victoire, le candidat discret a acquis une belle notoriété qu’il compte mettre à profit pour l’ouverture de son futur restaurant à La Rochelle en 2022.

Bruno Aubin, Top Chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

Bruno Aubin, Top Chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

Bruno est calme. Zen. Sa voix tel un murmure couvre à peine le bruit des casseroles qui bouillonnent et les “tactac” des couteaux qui martèlent les planches à découper. Charline, son binôme sur cette épreuve autour du fromage, gesticule et lui jette des coups d’œil inquiets. « Tout va bien ? ». « Oui », répond Bruno dans un souffle. Il ne faudrait pas « se rater » ! Les candidats défient ce jour-là les chefs Philippe Etchebest et Paul Pairet.
Le trentenaire originaire de Niort se lance dans la réalisation d’un siphon de mimolette dont la texture sera celle d’un fondant au chocolat. Une erreur de température et ils courent à la catastrophe ! Les chefs se frottent les mains, le vent semble souffler de leur côté tant la réalisation paraît compliquée. Imperturbable, Bruno coupe sa mimolette, chauffe, chinoise, colle sa préparation à la kappa*, met en cellule les emporte-pièces, « siphonne »… et lâche en souriant à sa coéquipière de 18 ans « c’est la première fois que je fais ça ! ». Charline est sur le point de défaillir. Premier essai, la préparation ne marche pas. Deuxième tentative… et c’est la bonne !
Bruno n’abandonne pas facilement. Patricia, sa mère, souligne ce trait de caractère, « une fois que c’est décidé dans sa tête, il se donne les moyens. Il a une grande détermination. »


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Qu’était-il venu chercher dans Top Chef ? La technique ? Certainement pas ! Le candidat s’est plusieurs fois illustré dans ce domaine, en étant par exemple le seul à parvenir à réaliser un « cœur coulant » chez la famille Bras. Mais la technique n’est pas un moyen de se démarquer ou d’impressionner le jury. Pour lui, c’est un bagage qui permet de réaliser ce qu’on a dans la tête. « C’est un moyen de s’exprimer et de concrétiser ses idées », affirme Bruno.
Il faut dire que c’est un habitué des grandes maisons où il a pu mettre en pratique cette qualité. Après avoir intégré le lycée hôtelier de La Rochelle à 14 ans, Bruno franchit toutes les étapes jusqu’au BTS. Son parcours croise même la route de Philippe Etchebest lors d’un stage à l’Hostellerie de Plaisance à Saint-Emilion. Puis, il accompagne le chef Eric Fréchon pendant de longues années avant de devenir le chef du restaurant de l’hôtel Le Narcisse Blanc dans le 7e arrondissement de la capitale. Entre-temps Top Chef l’avait déjà contacté pour lui proposer d’intégrer le concours, mais Bruno ne se sentait pas encore prêt. Maître de lui et réfléchi, le chef coche toutes les cases, étape par étape. « Je me souviens de Bruno à 3 ans. Nous habitions dans un lotissement au bout d’un cul de sac. Bruno voulait enlever les petites roulettes de son vélo. Mon mari et moi le prévenons, il est encore trop petit. Eh bien, il l’a quand même fait et il a tourné pendant des heures, en tombant, en pleurant, en ayant les genoux en sang. A la fin de la journée, il savait faire du vélo ! », s’exclame sa mère.

Vous ne le verrez jamais poser la cocotte au milieu de la table

Qu’était-il donc venu chercher à Top Chef ? Ses dressages ? Il en a fait une de ses signatures ! Les assiettes sont soignées, élégantes et claires. Sur l’épreuve du trompe-l’œil, Bruno a réalisé une focaccia reproduite en forme d’éponge accompagnée d’une émulsion à l’origan en guise de savon – refaite à tort et à travers par les internautes -. Idem pour son sandwich jambon-beurre revisité. « Je ne suis pourtant pas très fier de cette assiette mais avec le chrono et la pression, cette première épreuve était stressante », confesse le candidat. « A la maison, si ça ne lui plaisait pas, il recommençait. Il fallait que ça soit beau à regarder, même si c’était pour sa famille », poursuit Patricia, « il a à cœur de servir de beaux plats. Vous ne le verrez jamais poser la cocotte au milieu de la table ». Car pour Bruno manger est avant tout un plaisir, un moment sacré qu’il faut honorer. « Quand je dresse mes assiettes, je m’imagine toujours que c’est pour moi. Je mets tout ce que j’aime dedans ». Son identité culinaire, qui ne revendique pas des goûts particuliers, mais une cuisine bien faite s’en ressent. La technique est mise au service du goût et pas l’inverse. Bruno se plaît d’ailleurs à tout cuisiner, autant les épices « qu’il nous fait acheter pour chez nous. D’ailleurs la plupart on ne les connaît pas ! », plaisante sa mère, que des goûts plus francs, mais toujours avec le souci du détail. Pour réaliser un poulet du dimanche pour sa famille, Bruno ne va pas se contenter de cuire la volaille. Il va « préparer » la volaille en « passant la main entre la chair et la peau, et mettre un beurre au curry, pour que la peau croustille et prenne une belle couleur ». Bruno veut rassembler autour de la table et espèrent que ses convives, clients ou proches, saucent le plat avec le pain.

La foccacia en trompe-l’oeil de Bruno.

Pour ce chef, le concours était un moyen de se « faire violence », comme il le dit. Peut-être aussi de titiller ce grain de folie qui lui a fait défaut lors de l’épreuve de la sellette. Top Chef était surtout une manière d’entrer dans la médiatisation de la cuisine, un domaine dans lequel il  n’est « pas très à l’aise, y compris les réseaux sociaux ».
L’étape est franchie avec bonheur et vient s’ajouter à un parcours déjà brillant. Voilà qui tombe bien pour l’ouverture prochaine de son restaurant « bistronomique avec des produits locaux ». Ce sera à La Rochelle, ville de ses débuts en cuisine.  La boucle est bouclée !

*Kappa : algue dont les propriétés aident à la gélification.

Louise Delaroa.


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