Chloé Charles, cheffe indépendante est sortie de la compétition après huit semaines de concours. Retour sur une candidate avide de liberté, affranchie de toute étiquette culinaire.

 

Chloé Charles, Top Chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

Chloé Charles, Top Chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

J’ai une gueule à faire Top chef ?”, s’esclaffe la trentenaire. Poings sur les hanches, sourire en coin et pantalon de cuisine retroussé aux mollets qui laisse découvrir ses chaussettes “porte-bonheur” à trèfles, Chloé Charles ne passe pas inaperçue. Sa bonne humeur, sa franchise et ses petites taquineries envers ses coéquipiers sont une brise d’air frais dans une compétition qui devient de plus en plus difficile.

Cette cheffe indépendante et itinérante n’est pas une inconnue du monde de la cuisine. A 34 ans, Chloé a déjà travaillé pour les pontes de la gastronomie : François Pasteau (L’épi Dupin, Paris VIe), Pascal Barbot (L’Astrance, Paris XVIe), David Toutain (L’Agapé Substances, Paris VIe) ou encore Bertrand Grébaut (Septime Paris XIe). Mais c’est lorsqu’elle entre en résidence chez Fulgurances dès 2015 (Paris XIe), qu’elle envoûte la critique. François-Régis Gaudry, Le Fooding et autres professionnels du milieu, restent béats devant cette cheffe à la cuisine généreuse, novatrice et tournée vers le végétal.


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Sollicitée de nombreuses fois par Top Chef, Chloé décline. “Elle avait un peu peur de l’image qu’elle aurait transmise à l’écran”, confesse sa femme Gaëlle. C’est finalement la rencontre avec l’ancien candidat outsider, Adrien Cachot, finaliste de la saison 11, qui va la décider. Elle revêt sa veste aux manchettes rouges, l’uniforme de la brigade d’Hélène Darroze. Et heureusement ! Très vite, la candidate à la tête de sa propre entreprise fait sensation. Mais, ses dressages un peu bruts, sont pointés du doigt. “Je sais que c’est mon point faible”, s’en amuse-t-elle devant les caméras avant de reconnaître que “les téléspectateurs ne mangent pas et qu’ils veulent en prendre plein la vue, mais je reste assez modeste dans mes assiettes”. Si elle finit par se montrer plus précise au fil des épreuves, Chloé reste fidèle à ses valeurs : le goût, avec toujours une ou deux saveurs réconfortantes pour réchauffer palais et âme. Elle a pu servir par exemple un gâteau vapeur au caramel poire et sarrasin, un falafel coeur coulant proposé chez les chefs Bras ou des spaghettis de pomme de terre très crémeux qui participent à la victoire de son équipe jugée par les chefs étoilés Jérôme Banctel et Sébastien Vauxion. Mais, c’est sur l’épreuve du riz, imposée par Pascal Barbot que Chloé détonne. Elle présente une assiette minimaliste avec trois points de couleur et hautement maîtrisée. “Mon dressage était très simple et lisible. Personnellement j’ai trouvé ça hyper élégant”, s’enorgueillit la cheffe, d’autant plus fière que “c’est une cuisine à fond sur le produit et qui me parle. Je l’ai apprise auprès de tous les chefs avec qui j’ai travaillé.”

 

Le riz Koshihikari et ses condiments de Chloé Charles, crédit M6

Le riz Koshihikari et ses condiments de Chloé Charles, crédit M6

 

Sa cuisine est réconfortante, un peu comme celle des grands-mères. Ses petits bouillons en hiver, ça aide au moral !

Même si Chloé s’affranchit de tout courant culinaire, elle s’inscrit tout de même dans une certaine lignée, menée par le chef de file Alain Passard. A savoir des chefs talentueux et techniciens qui respectent le produit, le subliment sans l’abîmer. “Bertrand Grébaut n’a aucun problème à mettre un navet au milieu d’une assiette”, atteste-elle. Une démarche qu’elle partage aussi avec Adrien Cachot, “une cuisine au style d’une apparente simplicité”, mais à laquelle elle ajoute sa touche personnelle : faire plaisir. “Sa cuisine est réconfortante, un peu comme celle des grands-mères. Ses petits bouillons en hiver, ça aide au moral !”, confie Gaëlle. La cuisine est pour Chloé un véritable terrain d’expression. Elle sert à faire plaisir à ses amis. « Quand ses proches ne vont pas bien, elle cuisine. Elle est moins douée pour réconforter quelqu’un avec ses mots, qu’avec ses plats”, plaisante sa femme qui poursuit, “en plus Chloé cuisine toujours pour 12. Il y a toujours un petit morceau de guanciale planqué dans le frigo pour des pâtes à la carbonara”. Chloé la généreuse est aussi une touche-à-tout qui bricole, essaye, tente et frôle parfois l’obsession. Entre ses périodes tacos et  raviolis de Hong Kong, elle ne se refuse rien, à condition que les produits soient de qualité : “on a notre réseau de producteurs. A Saint-Malo, on a mis deux ans à trouver un jeune qui ne fait que des produits de saison. Chloé est aussi copine avec la laiterie de Paris qui lui donne le petit lait avec lequel elle fait plein d’essais.  On a eu droit à des sauces, des cocktails… on est ses petits cobayes”, s’amuse Gaëlle.

Chloé, déjà personnage médiatique, est très souvent qualifiée de “cheffe écolo” ou “cheffe éco-responsable”. Pourtant, elle ne se sent pas particulièrement militante. “Ce n’est pas moi qui suis écolo, c’est les autres qui ne le sont pas”, scande-t-elle. “elle respecte ses fournisseurs, les producteurs, les saisons et les produits. Il faut les manipuler doucement pour ne pas faire de bleus aux fruits et légumes”, commente Gaëlle. Une cuisine aux démarches respectueuses que la cheffe essaye de transmettre à travers ses plats, en exploitant entièrement les produits et en donnant aussi des cours à de jeunes enfants défavorisés. Mais pour celle qui connaît tous les noms de plantes et de végétaux ou qui regarde toujours en l’air pour s’émerveiller devant les grues de chantier sa passion, “la cuisine est avant tout un kiff. Je prépare avec les produits qui m’entourent, des inspirations d’ailleurs sur une base française mais davantage axée sur la générosité que sur des goûts intéressants”. En attendant la réouverture des restaurants où Chloé sera très certainement appelée, la trentenaire continue de mettre de la cuisine un peu partout dans son quotidien. En imaginant les recettes de petits pots pour son bébé, en collectionnant Monsieur Glouton* dont elle est fan, ou encore en sortant sur un coup de tête l’argenterie, pour faire comme à l’hôtel et égayer aussi le quotidien de sa famille.

 

*Personnage de Monsieur Madame, la collection de livre illustré pour les enfants.

Louise Delaroa

 


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