Omniprésente en Islande, la nature, sauvage, modèle autant les paysages, à couper le souffle, que la vie de ses habitants

Il y a de nombreuses façons de découvrir l’Islande. Les mordus d’aventures se régalent dans des treks plus ou moins extrêmes qui explorent fjords, volcans et glaciers. On peut aussi parcourir le pays à la manière douce, en particulier en famille, en explorant le sud. Impossible de se tromper d’itinéraire malgré la toponymie imprononçable : il n’y a qu’une route, la «numéro1», qui fait le tour du pays et relie tous les villages importants, traversant au passage des paysages grandioses, comme la plage de sable noir de Dyrhólaey, la lagune ­Jökulsárlón où s’échouent d’imposants blocs de glace arrachés au glacier Breiðamerkurjökull, ou encore la majestueuse chute d’eau Seljalandsfoss. Autant de sites à couper le souffle.

L’islande, un terroir frugal

Un pied sur le tarmac, on remonte prestement la fermeture éclair de son anorak. On vient de franchir le cercle polaire et le froid vif le rappelle d’une caresse mordante. Le temps de sauter dans une voiture et déjà le paysage de lave, incroyablement aride, se déroule à perte de vue. Mais comme partout en Islande, la surprise surgit au détour d’un virage. En ligne de mire, le Blue Lagoon et ses eaux d’un bleu laiteux. Abandonnez toute résistance psychologique, sautez (très vite) dans un maillot de bain et encore plus vite dans le bassin fumant. Le must : siroter une pinte de bière bien fraîche dans les vapeurs soufrées.

En Islande, la nature comme contrainte et inspiration

Au-delà des images de cartes postales, on mesure à l’aune de la nature la rudesse de la vie en Islande. Pas d’arbres, très peu de terres cultivables, puisqu’une grande partie de l’île est recouverte de lave. Aussi les Islandais ont-ils dû longtemps adapter leur alimentation à ce que le sol et la mer voulaient bien leur céder. Pas de céréales, pas de bois et donc pas de four : le pain est ainsi resté inconnu en Islande jusqu’à ce qu’on puisse massivement importer du blé. On raconte qu’au Moyen Âge les fermiers islandais accordaient les faveurs de leurs filles aux rares étrangers qui pouvaient leur faire goûter ce mets rare. Seule l’orge était cultivable et ses grains préparés en bouillie constituaient l’ordinaire du petitdéjeuner.

Pour le reste, on pouvait compter sur quelques baies, de rares légumes que l’on conservait par lacto-fermentation, et du poisson séché mais rarement salé, car la production de sel était également compliquée malgré l’omniprésence de la mer : pas d’évaporation possible par le soleil, peu de moyen de chauffage. La cuisine islandaise a donc été longtemps basée sur une nourriture de subsistance. Tandis que ces eaux ­devenaient un formidable vivier pour la pêche à la morue, notamment pour les pêcheurs du Nord de la France.

Islande : les spécificités locales

Au début des années 2000, ­l’Islande jouit d’un formidable boum économique. Elle importe alors massivement toutes sortes de produits exotiques, de l’huile d’olive au steak d’antilope. Jusqu’au krach financier de 2008 qui casse net cet élan. C’est précisément à ce moment, alors même que les Islandais n’ont plus un radis, que Gunnar Karl Gíslason ouvre son restaurant, Dill, à ­Reykjavík. Avec l’audace et le courage d’un viking, il entreprend de faire (re)connaître à ses compatriotes une « nouvelle cuisine nordique », basée sur les produits islandais, les petits producteurs, les plantes sauvages et les techniques de cuisine ancestrales. Pari gagné puisqu’il a aujourd’hui acquis une renommée internationale, au même titre que le Danois René Redzepi ou le Suédois Magnus Nilsson.

Islande : des Chefs et des producteurs engagés

Chef forager (Chef qui utilise des ingrédients locaux et sauvages), Gunnar va même jusqu’à produire son sel de mer, que l’on déguste à sa table avec du beurre fermier. Dans son sillage, c’est toute une nation qui a redécouvert ses ressources naturelles et les techniques traditionnelles de conservation. Dans le sud, Eymundur Magnússon et sa compagne Eygló Björk Ólafsdóttir, ont ainsi créé la ferme Móðir Jörð, où ils produisent en bio des légumes commercialisés sous forme de pickles. Ils produisent aussi de l’orge perlé que l’on retrouve sur toutes les belles tables islandaises.

Pas très loin de chez eux, Guðný Vésteinsdóttir profite d’une petite exploitation forestière pour recueillir de la sève de bouleau et fabriquer des confitures sous la marque Holt og Heiðar. À plus grande échelle, la maîtrise de la géothermie a permis l’installation de gigantesques serres permettant la production autochtone de salades, de fraises ou d’herbes aromatiques. Peu à peu, la cuisine islandaise se forge donc une identité. En se nourrissant de l’adversité et en se défaisant progressivement des influences extérieures. On trouve encore ainsi de nombreuses pâtisseries et viennoiseries d’inspiration danoise ( l’indépendance de l’Islande ne date que de 1944).

On peut aussi faire l’impasse sur le soi-disant renommé hot-dog, spécialité de Reykjavík depuis que les soldats américains en ont donné le (mauvais) goût aux Islandais pendant leur période d’occupation lors de la Seconde Guerre mondiale.

Texte : Marie-Laure Fréchet

Photos : Virginie Garnier