Réputé pour sa technique et sa dextérité, ce candidat est sorti de la compétition Top chef ce mercredi 27 mai. Derrière ses gestes précis se cache un cuisinier joyeux et inventif.

Martin Feragus, top chef 2020

Crédit M6

Il taille, mixe, chinoise, réduit, déglace, farcit…les rouages sont bien huilés, même pour un ketchup : de la précision et de la technique. Ce jour-là c’est la tomate qui passe sous sa lame : mondée, centrifugée, réduite en caramel, en chips, en marinade, au siphon… Il ne lui fait pas de quartier ! Déstructurée, elle devient un plat bluffant qui lui ouvre les portes du concours. Le “grand technicien de cette saison”, comme l’appelle son chef de brigade, Philippe Etchebest, a finalement quitté l’aventure, après une épreuve éliminatoire sur le riz au lait. Peut-être une recette un peu trop simple pour cet amateur de défis ?

 


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Depuis dix ans déjà, il relève avec brio les demandes les plus exigeantes des chefs et les plus farfelues des clients de palace. Sa maîtrise et son savoir-faire lui ont permis de travailler pour les grands de la gastronomie : Yannick Alleno, Christian Constant, Thierry Marx et dernièrement pour Benjamin Brial, chef exécutif du Lutétia à Paris. “Je me sens à ma place dans un palace car j’y retrouve l’exigence et l’excellence”. Mais son appétence pour la technique et sa nature réservée ont peut-être joué en sa défaveur :  les téléspectateurs n’ont pas été tendres avec lui, le jugeant peu créatif et froid. “Martin était pudique pendant l’émission, c’est vrai”, admet sa mère, “il est arrivé dans ce concours de manière sérieuse et concentrée.”

Alors qu’il réalise son Sweet Corn, la caméra laisse apercevoir un tatouage sur son avant-bras, “une citation de Martin Luther King faite à mes 17 ans qui signifie que la réalité n’est peut-être pas telle qu’elle est ». S’il pouvait être par moment un enfant « insolent », confesse-t-il, il était toujours gourmand et curieux : « petit, s’il était invité chez quelqu’un, la première chose qu’il faisait c’était de passer en cuisine, poser des questions et observer”, se souvient sa mère.

Sweet corn, top chef 2020

Le Sweet Corn de Martin

 

Hors émission, les plats de Martin sont “généreux”, selon Fleur (sa compagne et ancienne première chef de partie en pâtisserie au Mandarin Oriental), “et renvoient à des souvenirs”. Sa tomate farcie du 5ème épisode de Top Chef est en réalité “un plat lié à mon enfance”, explique Fleur, “c’est une recette que ma grand-mère faisait et que mon père prépare encore aujourd’hui”. La cuisine est aussi pour lui un moment important de convivialité : “il prend plaisir à nous préparer ses plats et se frotte les mains avant de passer à table. Se retrouver tous ensemble, c’est quelque chose qu’il chérit énormément », dit sa maman. Toujours gourmand et amateur de cuisine traditionnelle, il ne refuse jamais “un gigot de 7h”, poursuit-elle, et prend plaisir à voir sa mère « ajouter une cuillère de crème fraîche dans sa purée, ça la rend un peu aigre avec une légère acidité. C’est ma madeleine de Proust ».

La technique chez Martin vient nourrir sa cuisine. Elle est un moyen de se perfectionner, de se dépasser mais surtout de rendre hommage à cette tradition française, celle des étoilés et des meilleurs ouvriers de France. Elle lui permet aussi de créer « cet effet whaou », comme une découpe d’un pâté en croûte. Mais sa dextérité ne se substitue pas à un manque d’imagination. “Le chef Etchebest a développé mon instinct créatif, plus que ma créativité. Contrairement aux autres candidats, j’ai besoin de plus de temps. Je n’ai pas pu exprimer totalement ma personnalité culinaire, ponctuée de touches japonaises et scandinaves”. Sa compagne en témoigne, “au Mandarin, il était capable de passer trois semaines pour que le plat soit parfait avant de le présenter au chef ”.

Dans les palaces, Martin prend le temps de jouer avec la lacto-fermentation, des huiles infusées, des cuissons complexes et les résultats sont là. En 2016, son plat restera longtemps à la carte du “Sur-mesure” : une langoustine sarrasin torréfié, concombre et menthe poivrée, accompagnée d’une pointe de crème fraîche d’Isigny, un petit clin d’œil aux origines de sa mère peut-être. Il fait sienne la devise de Thierry Marx, “il n’existe pas de conflit entre tradition et innovation”, et prend plaisir à réinterpréter les classiques français, “je vais par exemple ajouter un vinaigre de sakura à un gibier sauce grand veneur. Ça apporte de l’acidité à ce plat rond et gras et ça change tout ».
Martin fait partie de cette jeune génération de cuisiniers qui renoue avec la tradition française mais avec modernité et technicité. Transmission réussie : à 18 mois, sa petite fille rejette déjà les petits pots pour bébés et préfère les plats de son papa, une bonne ratatouille aux rougets !

Louise Delaroa


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