Eliminée mercredi soir de l’émission Top Chef diffusée sur M6, Nastasia Lyard, la candidate au tempérament épicé, ne vit pas sa défaite comme une fin en soi. Son énergie, elle la concentre désormais sur son nouveau projet, Les Affûtées.

La trentenaire au regard pétillant est sortie après sept semaines du concours culinaire Top chef saison 11. Affiliée à la brigade du chef toulousain Michel Sarran, Nastasia était jusqu’au 1er avril, la seule femme encore en compétition. “Être la dernière fille, était aussi mon objectif”, lâche-t-elle en souriant. Jugée dès sa première apparition sur son vernis à ongle, elle s’était attirée les foudres des internautes. Même a priori hors de la lucarne. En entretien d’embauche, on me disait “c’est pour la salle” ? Je n’avais pas le look pour faire de la cuisine”, se souvient-elle avec un brin d’agacement. Alors Nastasia s’impose, exagère son caractère bien trempé. Sur Instagram, elle s’amuse à poser en robe à fleurs devant un four professionnel. Un pied-de-nez aux misogynes qui exhortent les femmes à renier ce qu’elles sont pour exercer leur métier de chef. Son combat est aux fourneaux. Sa cuisine, malgré sa défaite, elle y croit.

Nastasia LyardLe brigde, passion de ses parents – professeurs, arbitres et joueurs professionnels – l’initie par ricochet à la compétition. Sa mère, championne de France, en est la preuve. Sa rigueur, exigée dans la profession, elle l’apprend à la « Maison d’Education de la Légion d’Honneur » en banlieue parisienne, où elle mène une vie quasi militaire. Lors du choix de l’orientation, Nastasia choisit la cuisine. Un choc pour sa mère, alors que son frère était déjà dans la profession. “Je viens d’un milieu bourgeois, c’était presque un sous-métier réservé aux hommes. Hors de question que sa fille aille là-dedans”, plaisante l’affranchie. Elle troque donc son uniforme scolaire pour le tablier et passe naturellement des “oui Madame” aux “oui Chef”. 

Dure comme un œuf

Les mains dans la pâte, Nastasia s’épanouit mais apprend aussi à tenir face aux jeux de mots graveleux qui fusent en cuisine. Il faut s’endurcir, remballer le geste ou le mot déplacé. Une nécessité, car elle se frotte d’abord à la charcuterie, un univers où les femmes sont quasi inexistantes. Dans les grandes maisons qu’elle enchaîne (Eric Fréchon, Yannick Alléno, Christophe Hache, Alain Ducasse, et comme cheffe chez Gilles Goujon), elle s’impose par son travail titanesque, la justesse de ses plats et son tempérament de feu. “Un sacré caractère, mais une très grande collaboratrice” évoque son premier employeur, le charcutier Christophe Léautey. Gilles Goujon, se souvient de ce “caractère bien trempé, de son “autorité naturelle” mais “ qui ne sait pas toujours écouter.

Nastasia LyardCette réfractaire n’est pourtant pas allergique à l’autorité. Dans Top Chef, elle a su se prendre en compte l’avis des grands, peut-être un peu tard. “C’est une main de fer dans un gant de fer”, souligne Gilles Goujon, ravi de la voir progresser, espérant qu’elle se convertisse au velours. Nastasia reste néanmoins une grande cuisinière. Ses plats sont jugés “d’une grande finesse” par Léautey. “C’est quelqu’un qui entend le chant de la cuisine. Le goût, elle sait faire”, reconnaît son ancien chef aux trois étoiles. Son inspiration vient de ses voyages, surtout d’Asie. Elle livre une cuisine à son image : brute, authentique et colorée.

Affûtée(s)

Confinée avec des amis, Nastasia continue de cuisiner pour « faire plaisir aux autres ». Loin de Top Chef où « le rythme était particulièrement intense », elle trouve désormais son épanouissement auprès de son associée rencontrée sur le tournage, la pâtissière Chloé Méjanès. Ensemble elles ont monté Les affûtées, « avec deux “f” pour deux femmes ». Nastasia a trouvé son double : elle au salé, l’autre méticuleuse au sucré. Leur projet ? La confection de menu sur-mesure, au goût de la personne, exécuté à domicile. Mais attention, “avec des produits de saison, une cuisine maîtrisée de A à Z, jusqu’aux saucissons et boudins fabriqués par mes soins”. Exigeante, Nastasia continue de se former auprès de Gilles Vérot son dernier employeur, charcutier, roi du pâté en croûte. Le binôme rêve plus tard d’ouvrir leur restaurant. En attendant, elles créent, partagent leurs recettes sur les réseaux sociaux, prônent une cuisine démocratisée, même si reconnaît Chloé en plaisantant, “il faut parfois y aller en frontal avec Nastasia”.

Louise Delaroa