Technicien hors pair, perfectionniste, créatif et jovial, Pierre Chomet a commencé son aventure Top Chef 12e saison sur les chapeaux de roue. Pourtant, c’est sur une erreur “de débutant”, comme il le dit, que le cuisinier a été éliminé le mercredi 03 mars, à la plus grande surprise du jury et des téléspectateurs.

Pierre Chomet, Top chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

Pierre Chomet, Top chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

C’est avec un grand sourire que Pierre commence son épreuve de sélection. Le teint hâlé par ses six années passées en Thaïlande, son liteau* négligemment posé sur son épaule, l’ancien sous-chef de Thierry Vincent – chef du restaurant deux étoiles Chef’s Table à Bangkok -, a pris possession des lieux. Le trentenaire a l’air chez lui, prêt à recevoir ses amis à dîner. Or, c’est le fleuron de la gastronomie française qui s’apprête à le « déguster », à savoir le jury composé d’Hélène Darroze, Philippe Etchebest, Michel Sarran et Paul Pairet. Pas impressionné pour un sou, le candidat lâche en coulisse un  “chaud patate ! Il faut toujours être positif dans la vie”. Et c’est avec cette attitude assurée qu’il broie, émulsionne, casse, découpe, tranche et mixe sa préparation de langoustines. Le geste est précis, il fait valser les ingrédients dans sa poêle et réalise en un tour de main un condiment de tamarin.


Lire aussi :  Top chef : L’insaisissable, Adrien Cachot


Mais derrière son sourire et sa bonne humeur, se cache un redoutable perfectionniste, “Il a des idées et vise l’impossible, mais Pierre va constamment chercher à s’améliorer. Il n’est jamais satisfait de ce qu’il fait”, témoigne Vincent Thierry, son ancien chef. Il faut dire que Pierre a été élevé à l’exigence ! Avant de s’envoler pour la Thaïlande, le cuisinier a fait ses armes au Bristol à Paris. Puis, il a travaillé sous les ordres du chef triplement étoilé Arnaud Donckele, à La vague d’Or à Saint-Tropez, pour ensuite gagner Londres et la brigade de Joël Robuchon à l’Atelier. “Le maître de la rigueur Robuchon ! Pierre a acquis la précision là-bas. Il a le souci du détail”, poursuit Vincent Thierry. Sa future épouse, Cristina, ancienne sous-cheffe dans la même maison en Angleterre, se souvient de Pierre qui n’était pas particulièrement à l’aise avec la pâtisserie. “Il s’entraînait tout seul, car il savait que ce n’était pas son point fort. Quand il a quelque chose dans la tête, il finit par y arriver”. Sa rigueur, Pierre la traduit aussi par le visuel. “The Master of details”, comme le surnomme Vincent Thierry. “Il faut que ça donne envie, avant même de goûter”, lâche Pierre concentré. A l’aide de sa pince à dresser, il pose une herbe aromatique en équilibre sur la tuile, se retourne, découpe minutieusement sa feuille de bananier à l’emporte-pièce et pose délicatement sur le bord son émulsion de cacahuètes épicées qu’il a pris le temps de vernir à l’huile d’olive, car “c’est plus joli et il faut que ça soit propre”. Et voilà un pad thaï gastronomique !

Le pad thaï revisité de Pierre.

Récit de goûts

Originaire de Paris, le cuisinier a passé sa jeunesse à Dinan. Mais “cette pile électrique”, comme s’amuse à le qualifier Cristina, n’a pas cessé d’avoir la bougeotte “encore aujourd’hui il a dû mal à rester une journée à la maison !”. A chacun de ses voyages, Pierre emprunte les techniques et les goûts locaux qu’il apprivoise. Mais il n’a jamais pu explorer pleinement sa propre cuisine. A Top Chef, c’est l’occasion.  Il fait cavalier seul et explore son identité culinaire parfois au détriment de la technique qui lui coûte sa place. Son gaspacho monté au siphon n’est pas monté. “J’aimerais pouvoir faire une cuisine avec de belles touches asiatiques, mais twistées par différentes saveurs du monde”. Ses assiettes, le baroudeur espère qu’elles puissent se lire à la manière d’un carnet de bord. “Toum toum, embarquement immédiat pour le vol en direction d’Argentine !”, plaisante Pierre en mimant la voix d’une hôtesse de l’air.

Avec son acolyte, Cristina, ils vont ouvrir prochainement leur restaurant “comme à la casa”, précise-t-elle, avec une cuisine à l’image du couple sans frontières. La cheffe a elle aussi beaucoup baroudé et travaillé pour de belles maisons avant de poser ses bagages dans les Côtes-d’Armor. Ils espèrent proposer des plats simples, “ça pourrait être des tapas, mais avec la technicité de la cuisine française, celle qu’on a apprise avec des beaux produits de la région”, ajoute Pierre mais “dans une ambiance décontractée où je viendrais parfois moi-même servir mes plats aux clients”. Technicien, créatif, drôle, “parfois maniaque avec son pass, mieux rangé qu’une garde-robe de vieille fille”, se moque gentiment Thierry Vincent, Pierre n’oublie pas qu’il va faire avant tout une cuisine de coeur, celle qu’il présente régulièrement à sa famille en déclinant à l’infini ses risottos. Ouvrir, une myriade de coquilles Saint-Jacques pour ses invités ou en ajoutant sur le grill un steak pour un copain en retard. “Un cuisinier et bon-vivant comme ça, ce ne sont pas des profils qu’on trouve tous les jours, c’est très plaisant”, témoigne Thierry Vincent. En attendant l’ouverture de leur restaurant, Pierre et sa compagne vont s’atteler à concocter les futurs repas de leur nouveau né : “deux mois, c’est un peu tôt pour les mises en place de purée trois étoiles, mais ça va vite arriver !”. Et puis qui sait vers où la famille va ensuite voyager ?

Louise Delaroa

Un liteau* est une serviette blanche qui protège les mains du serveur ou du cuisinier contre le contact brûlant des plats et des assiettes.


Lire aussi : L’insaisissable Adrien Cachot