Baptiste Trudel, l’enfant terrible de la cuisine.

Le grand spécialiste des dernières chances a été éliminé de Top Chef après 10 semaines de compétition. Sa toque de cuisinier aguerri, il la tourne vers de nouveaux projets de restaurants, toujours à son image : piquants et déroutants.

Baptiste Trudel, top chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

Baptiste Trudel, top chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

Je me porte volontaire” ! Baptiste lève spontanément sa main avant même qu’il ne soit désigné par Paul Pairet, son chef de brigade. Coup de théâtre dans Top Chef ! S’il y a bien une épreuve que les candidats espèrent éviter à tout prix, ce sont les éliminatoires. Très sport, Baptiste estime qu’il n’a pas été à la hauteur. Barbe brune bien fournie, tatouages et boucle d’oreille en forme de piment qui s’agite à son lobe, le candidat se jette dans l’arène. “Je veux monter sur le ring”, poursuit-il, confiant. Et il a bien raison. En 1h, il revisite le magret de canard en ceviche, en le fumant et en ajoutant un jus aigre-doux (carotte-betterave, raisin, figue) pour “faire mouche”. Et c’est bouche-bée que Michel Sarran, s’inclinera devant son assiette, “il entre dans le Top 10 des meilleurs plats jamais mangés à Top Chef !”. La “tête brûlée”, comme l’appelle Paul Pairet, se révèle être un compétiteur féroce dans les épreuves de la sellette, où il aime voir “ce que  les autres candidats ont dans le slip”, dit-il en plaisantant. Jusqu’à cette fameuse dixième semaine où Baptiste a malheureusement eu la main trop lourde sur le sel, et s’est vu cette fois-ci éliminé de la compétition. Ce normand a l’habitude de se frotter aux étincelles. Il fait partie de ces rares mordus de la cuisine, qui ont le feu sacré. D’ailleurs le parcours de Baptiste est un savant mélange entre le conte de fée, le coup de poker et l’évidence d’un palais maîtrisé.


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A 21 ans, Baptiste n’avait, comme beaucoup de jeunes, pas encore trouvé sa vocation. Il traverse la Manche pour apprendre l’anglais, et revêt les manches de plongeur dans un restaurant londonien. Pas n’importe lequel, avait-il déjà un instinct ? Celui de l’établissement du triplement étoilé chef Pierre Koffmann, le mentor du célèbre et populaire Gordon Ramsey. Alors qu’un cuisinier est absent, le chef propose à Baptiste de prendre le poste de salade. “C’est là que je me suis dit, mais c’est stylé la cuisine ! J’ai commencé il y a 14 ans et je ne me suis jamais arrêté”, se remémore le chef. A force de travail, -“on ne marque pas des buts en restant sur son canapé’, – avance Baptiste, il est vite repéré par Guy Martin. Il voyage à ses côtés avant de devenir sous-chef au Grand Véfour, à Paris. Puis il intègre des établissements plus confidentiels mais adorés par la critique, en passant par le Yard pour ensuite être embauché chez Mordu où il prend les rênes de la cuisine. “L’enfant prodige de la cuisine”, comme l’appelle la critique, n’a pas passé son CAP, encore moins préparé Top Chef. Ainsi Baptiste, sélectionné en tant que remplaçant, a préféré faire l’impasse sur des révisions sans doutes vouées à l’échec. “Il m’a dit je n’ai pas le temps de potasser pour ne pas être pris”, commente Nicolas Paradis, propriétaire du restaurant Mordu. “Il est parti en vacances. A la rentrée il était à Top Chef et a tout fait à l’instinct”. Sur l’épreuve technique du soufflé imposée par Pierre Gagnaire, Baptiste improvise une composition au riz et safran, condiment framboise et piment, “pour donner du peps”, précise-t-il. Une première qui laissera « comme deux ronds de flan »…les autres candidats pourtant rodés, comme Pauline, à ce type de préparation.

Le soufflé de Baptiste.

Le soufflé de Baptiste.

Une cuisine spontanée et instinctive. 

Je ne construis pas mes assiettes sur le papier, je regarde les ingrédients devant moi, je mélange les mots ensemble et pouf !”, explique Baptiste. Son ancien collègue au Yard et ami Elliott s’étonne de sa créativité, “Il n’a aucune limite dans les associations, c’est à l’instinct”. Chez Mordu, Baptiste a par exemple créé un plat où il mêle son terroir normand avec des tripes et des moules, en ajoutant du curry, une émulsion coco, un jus de moule et un foisonnement d’herbes. “Ca a un petit goût suave, un peu épicé, l’écume apporte le côté rond, c’est équilibré”, se remémore Elliott l’eau à la bouche. “Ce sont des goûts très engagés, des associations lunaires. Je suis hyper fier de ce qu’il fait”, poursuit Nicolas Paradis qui ajoute : “c’est audacieux, même pour un plat traditionnel. Baptiste ne vous fera jamais un lièvre à la royale dans l’art, il fera un chevreuil à la royale avec des goûts étonnants”. C’est ce que martèle Baptiste pour parler de sa cuisine qu’il qualifie de “Sexy, Tasty, Funky ».  “sexy, j’aime quand l’assiette est jolie ; tasty pour le goût et funky j’aime bien qu’il y ait quelque chose qui se passe, j’aime quand ça interpelle”. Effectivement les couleurs sont vives, “c’est délicat comme dressage. Il crée le déséquilibre entre la sensibilité de plat et le goût qui pète en bouche”, selon Elliott. Baptiste lui, conclut par “j’aime quand ça picote et que ça soit réconfortant, comme une petite claque aux fesses”. Mais derrière son franc parler, son aisance et sa répartie aussi tranchante qu’une lame de couteau, Baptiste n’en reste pas moins un véritable chef. “J’ai ce petit côté arrogant, mais je sais me remettre en question”, avance le candidat. “Il a les yeux partout, il contrôle tout et est pédagogue », précise Elliott, tandis que Nicolas Magie se rappelle d’une petite anecdote qui campe bien le personnage. “Un matin de décembre, une de nos serveuses, avait installé un petit sapin de Noël composé de branchages sur le bar… En rentrant dans le restaurant Baptiste dit “c’est quoi ça ?!”. Visiblement ça ne lui plaisait pas trop… Il repart dans sa cuisine. Le soir, nouveau plat au menu : ris de veau fumé au sapin…”. Quand il s’agit de créer, Baptiste ne plaisante pas. Aux aguets, il fait feu de tout bois, y compris la décoration de Noël, pour créer de nouvelles saveurs.

A partir du moment où j’aime la pizza hawaïenne…

Street Food

Fan de sapes, des émissions de télévision de sa jeunesse (Minikeums, Chevalier du Zodiac…), des Nike Jordan ou de rap, Baptiste “ride”, comme le dit Elliott non pas sur son vélo, qui lui sert à traverser la capitale, mais sur la pop culture. Lui qui n’a pas eu de parents dans la cuisine, et qui plébiscite comme souvenir d’un plat de son enfance un Happy Meal de Mcdonald ou des cordons bleus – également appréciés par notre président -, Baptiste a fait de ces éléments une des facettes de son identité culinaire. Le trentenaire s’est littéralement approprié la street food, qu’il twiste, y ajoute de la technique gastronomique, son terroir et surtout du goût. Ainsi, il peut autant servir un “poulet normand, frit à la  KFC, un camembert frit avec un ketchup de betterave pomme cidre servis dans un pain bao vapeur au charbon”, qu’un Flat Bread, sa nouvelle adresse avec Nicolas Paradis, une sorte de petit pain pita “panam hot dog, jambon de Paris, saucisse grillée, cheddar, oignons”, “une petite tuerie”, s’exclame Elliott. Mais attention, “street food ok, mais Baptiste n’achète rien d’industriel, il fait tout maison”. En revanche, Baptiste n’a que faire des recettes figées. Il mélange les genres, – “à partir du moment où j’aime la pizza hawaïenne, dit-il, je me fiche des traditions”. Lorsque l’avenir sera plus clément, Baptiste et Nicolas ouvriront un restaurant façon Disney, où la cuisine sera une expérience, “un décor whaou, où je pourrai tester une cuisson instantanée comme à Top Chef. Une adresse où Baptiste sera évidemment aux commandes. Depuis qu’il a mis les mains à la pâte, il n’a jamais quitté sa cuisine. Une obsession, une vraie passion.

Louise Delaroa


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