Arnaud Baptiste, « Touche pas au frichti ! ».

Après avoir marqué l’émission par ses plats et ses « punchlines », Arnaud Baptiste quitte définitivement Top Chef.  Derrière son look d’apache de Belleville, ses réplique à l’emporte-pièce façon Audiard, les jurés ont pu apprécier une cuisine inventive et d’une grande délicatesse .

Arnaud Baptiste, crédits photographie Marie Etchegoyen

Arnaud Baptiste, crédits photographique Marie Etchegoyen

Une dégaine de Tonton flingueur ! On l’imagine lancer dire la réplique : « Mais dis donc, on n’est tout de même pas venu pour beurrer les sandwichs ?”. Le candidat de Top Chef saison 12, affiche une allure de titi, la moustache fine, les cheveux lustrés de gomina, plaqués en arrière. ll a le verbe haut et les expressions d’antan fusent. Les manches de sa veste retroussées découvrant ses tatouages, il a fière allure le gaillard et ne se laisse pas démonter, surtout sur son ring : la cuisine. Aux épreuves de qualification Top Chef, Arnaud choisit de réaliser une bouillabaisse. Le chrono tourne, la pression monte. Le chef Paul Pairet, sourire aux lèvres, s’approche de lui , “connais-tu l’histoire de ce plat ?”. Arnaud regarde dans le vide d’un air de dire, “mais il se moque de moi là ?”. Il prend sa casserole, quitte son plan de travail pour surveiller le four, et laisse le membre du jury déconcerté mais amusé. Arnaud, face caméra conclut, “je ne suis pas venu à Top Chef pour faire des gaufres !”. Du Lino Ventura pur jus ! C’est la gouaille d’Arnaud Baptiste, qui ne le quittera pas durant toute sa participation à l’émission.


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Je vais les tailler au criterium !”, lance-t-il ! Il est franc du collier Arnaud. Parfois un peu trop. Lors de l’épreuve du trompe-l’oeil “peu appétissant mais incroyable sur le goût”, le chef espagnol Andoni Aduriz a bien failli avaler son tablier. Arnaud a tout simplement préparé, “une bonne grosse m… », comme il le dit joyeusement, ravi de choquer. Malheureusement, comme ses répliques tranchantes, ça peut aller trop loin. “On est tellement habitué à manger des choses jolies mais dégueulasses, là j’ai voulu faire l’inverse”, se justifie le candidat. Mais Arnaud n’est pas pour autant un rustre. Derrière son sourire franc et son allure d’apache parisien, ce cuisinier est un habitué des établissements étoilés : Meurice, Carré des Feuillants, Hôtel Relais, Château Saint-James, Hôtel Molitor puis L’Allénothèque aux côtés de Yannick Alléno. “Il t’envoie des punchlines, mais une fois qu’il met son tablier, Arnaud signe des assiettes très techniques et graphiques avec, comme il le dit “le goût, le goût, le goût”. Il a une vraie culture de la cuisine et rend hommage aux chefs avec qui il a bossé”, affirme Mickael Boivin, chef pâtissier et ancien collègue. Et ça s’est vu plus d’une fois. Tantôt en équipe, tantôt en solitaire, Arnaud a su gagner le cœur du jury de Top Chef. Il a remporté l’épreuve imposée par le chef trois étoiles, Mauro Calegreco avec son “cabillaud mazouté”. Une assiette entièrement noire réalisée avec une sauce à l’encre de sèche, un tartare de moules, salicornes, raisin de mer et tuiles de sèche. Un clin d’œil au plat signature en monochrome du chef sur le fléau des marées noires. Mais sans comprendre la démarche, les internautes parleront de “triche” ou de “manque de recherche” pour la version d’Arnaud. Dans l’épreuve de la sauce d’Arnaud Donckele, le candidat réalise un sabayon sauce vin jaune, un jus de volaille parfumé à la cardamome et à la vanille qui vient arroser un poulet rôti à la peau bien croustillante. Hélène Darroze, hume les effluves et trempe sa cuillère, “ça me rappelle les tablées du dimanche !”. 

Plat « Cabillaud mazouté » d’Arnaud. Crédit M6

Chez Arnaud tout est souvenir, référence et clin d’œil. Son allure est celle de sa culture cinématographique du vieux Paris qu’il mêle à ses souvenirs d’enfance à Noisy-le-grand. Ville de sa jeunesse ponctuée de rap et de graffitis faits avec son frère. Sa cuisine elle, est un savant mélange de souvenirs personnels et d’hommages émus à la cuisine française, son crédo. Peu étonnant qu’il voue un culte aux sauces, fleuron de notre gastronomie ! “Il n’y a pas de bon plat sans elles. J’aime les fumés de crustacés, les bouillons, les infusions, les jus de viandes, les consommés, les émulsionnés…”, énumère le candidat. Pour Mickael et pour le jury Top Chef, “il a une vision de la cuisine française revisitée avec une patte moderne”. Que ce soit un bouillon umami ou un “bon ketchup avec des frites”, selon Mickael, Arnaud utilise les sauces pour faire le lien entre les gens proches ou professionnels. L’épreuve du pain et des croissants en dessert fait par exemple honneur à “l’odeur de la boulangerie de mon oncle”, se souvient Arnaud. Son plat de marée noire est lui, le souvenir d’un bel été à jouer avec son petit frère au bord de la mer. Les deux garçons ressortiront avec des billes de mazout de l’Erika, échoué quelques semaines plus tôt. Et quand il lui manque un souvenir, le candidat bluffe et joue sur sa maîtrise des goûts et sa technique. Un vrai pirate ! Lors de la cuisson instantanée, Arnaud brosse ni une ni deux une histoire sur le Mont Fuji et les éruptions volcaniques. Il prépare son assiette en direct devant les yeux médusés du chef trois étoiles Angèl Léon. En coulisse, Arnaud, hilare avoue : “Je n’y suis jamais allé ! J’ai regardé une émission dessus il y a deux semaines”.

L’habit ne fait pas le moine…

Il est plein de surprise, ce candidat ! “L’habit ne fait pas le moine”, poursuit-il, “j’aime regarder des reportages sur les animaux, les tornades, je suis un grand fan de foot. J’aime apprendre des choses que je ne connaissais pas”. En cuisine, Arnaud aime se former, recommencer encore et encore jusqu’à la perfection. “J’ai bossé pour en arriver jusqu’ici », confie le chef. Cette exigence avec soi-même, il la communique aussi aux autres, de façon bienveillante. “il va te taquiner, mais c’est pour te pousser. Je me rappelle, je venais d’avoir mon permis, la voiture était pleine à craquer de tuiles croustillantes, plats, sauces… Arnaud avait le gâteau sur les genoux. J’ai voulu éviter la place de l’Etoile car je n’avais jamais prise. Et bien il m’a poussé à la prendre ! Il m’a juste dit “T’es un boloss si tu ne le fais pas”. Je l’ai fait. Il est comme ça, derrière son franc parler, il est derrière toi”. Que ce soit son apparence, ses expressions incongrues “je suis en mode velociraptor », ou par sa cuisine moderne qui puise son inspiration dans la tradition française, Arnaud détonne. Il est sans doute ce qu’un journaliste avait dit de Gilles Goujon quelques années auparavant, “un rhinocéros en ballerine”. Un poil déconcertant le Arnaud, mais ses plats sont d’une finesse en bouche incomparable. A suivre, tant qu’il n’est pas invité pour faire des gaufres !

Louise Delaroa.


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