A 19 ans, la benjamine de Top Chef 2021 a été éliminée du concours après 7 semaines de compétition. Elle qui souhaitait travailler coûte que coûte dans la haute-gastronomie réalise désormais son rêve. Charline est aujourd’hui commis chez le chef étoilé et Meilleur Ouvrier de France Christian Têtedoie à Lyon.

Charline Stengel, Top Chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

Charline Stengel, Top Chef 2021, crédit Marie Etchegoyen

En face des chefs Marcon, pontes de la gastronomie aux trois macarons, la gagnante d’Objectif Top Chef* ne cille pas. Malgré son jeune âge, elle s’est imposée face à des candidats bien plus expérimentés et déjà rodés aux étoilés. D’un coup de fourchette, elle a éliminé Pierre dès la 4e semaine de compétition. Mais pour cette épreuve imposée par les chefs, la tâche se révèle compliquée. Charline doit non seulement préparer le champignon en dessert mais aussi le sublimer sans pouvoir le goûter. La morille blonde est en effet toxique lorsqu’elle est crue. Pas grave, les réflexes de la future cheffe sont déjà là. Elle tâte le champignon, le soupèse. “On dirait une éponge, c’est un peu gluant, c’est chelou comme texture”. Elle le sent, y décèle un arôme de noisette et parvient à dérouler méthodiquement sa recette au chef Philippe Etchebest. “Il y a une odeur de noiseté, donc je vais partir là-dessus. Je vais pocher ma morille aux agrumes, y ajouter un siphon de morilles blondes, plus un crumble de morilles noires ainsi que des noisettes caramélisées et réaliser un caramel déglacé à l’orange”. Charline n’a pas peur des défis, bien au contraire. La préparation est ardue mais les chefs Marcon sont conquis. Ils concluront ce beau dessert par une exclamation : “mon dieu que c’est bon !”. Pourtant, ça ne sera pas suffisant pour la qualification, mais qu’importe, Charline n’est pas venue pour gagner et récolter les lauriers de la victoire. Elle assume une compétition qu’elle mène pour elle-même : progresser, se découvrir et rencontrer les grands du monde de la cuisine.


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Après quatre ans seulement aux fourneaux, Charline n’a pas eu le temps d’occuper un véritable poste. Son CAP en poche, la jeune priniacienne – de Pringny, une petite commune de Haute-Savoie – poursuit sa formation par un BEP. Si la cuisinière a des étoiles plein les yeux, elle essuie bien des refus. Personne ne souhaite l’embaucher dans des établissements prestigieux sans davantage d’expérience en cuisine. Mais, Charline sait où elle veut mener sa barque. A défaut d’un travail, elle se tourne vers la compétition. En 2018, Charline termine 3e au concours du Meilleur Apprenti de France. Une mise en lumière qui lui permet de se démarquer et de l’emmener à “Objectif Top Chef” puis “Top Chef”. Désormais rien ne semble l’arrêter … sauf sa jeunesse.

A Top Chef, au sein de sa brigade bleue menée par Philippe Etchebest, Charline peine à faire valoir ses idées. “Il y a trop d’huitres”, “la poire est hors-sujet”, des réflexions judicieuses mais ignorées par ses coéquipiers et qui leur feront préjudice. “J’avais dû mal à me faire entendre. J’ai appris à ne pas me vexer et à m’imposer. En même temps je sors d’école. J’avais peur de gâcher la fête”, confesse Charline. Et puis, la candidate ne cache pas non plus ses émotions face caméra. “ Je suis quelqu’un de très sensible en concours et je suis très stressée avant les épreuves”. C’est peut-être pour ça qu’elle n’a pas été prise au sérieux. Son maître d’apprentissage, Pascal Avertis, chef du Clos du Château à Pringny (Haute-Savoie), se souvient d’une jeune femme “sensible, qui peut perdre pied, mais “qui a du caractère et le fait savoir”. Et dès que Charline est en confiance, elle ne se démonte pas et brille même en brigade. Pascal Avertis n’est pas étonné. Lors de la formation en BP Au clos du château, “elle a fait partir au bout de 5 jours un chef de partie au garde-manger. Elle lui a dit : ce n’est pas comme ça qu’on fait. Il n’était pas compétent et elle était mieux organisée que lui’. Une force de caractère bien loin de l’image tranquille donnée à l’écran. Car derrière ses deux fossettes qui s’animent dès qu’elle sourit, la candidate est robuste et voit juste. C’est elle qui réalise spontanément un crémeux de coriandre pour contrebalancer la lourdeur d’un foie gras et de la noix de coco. C’est également Charline qui n’écoute pas son ancien chef pour la préparation de la finale d’Objectif Top Chef. “elle m’a demandé conseil”, témoigne Pascal Avertis, “je lui ai dit que le petit pois dans un dessert c’était trop risqué. Elle m’a dit “oui-oui” jusqu’au dernier moment, puis elle est allée au bout de son idée et a gagné la compétition”. 

Charline, Top Chef 2021

Charline, Top Chef 2021

Telle une cuisinière bien rodée, Charline écrit ses plats, “les dessine, les colorie et met des annotations. Elle a ce sens du détail, de la finesse”, constate Pascal Avertis. Elle ose aussi des mariages improbables, “petits pois-abricots”, “champignon-orange” ou encore “une terrine de foie gras, gelée d’agrumes, bonbon, chips et sirop de pamplemousse, un plat mis à la carte avec lequel on a travaillé deux mois. L’équilibre était juste”, se rappelle son chef qui poursuit, “Charline ne se conforte pas à ses réalisations mais à ses propres goûts. Elle manque de technique pour l’instant mais elle a déjà un palais”. Avec son peu d’expérience, Charline esquisse déjà un style bien à elle, “j’aime mettre au centre de l’assiette ce qui est censé être un accompagnement. Les idées me viennent assez facilement et je suis créative, comme associer de la betterave et chocolat blanc”. Mais avant de définir une patte culinaire, Charline a la tête sur les épaules et veut avant tout “se former en France et à l’étranger”, avant de rêver encore plus loin.

Un beau parcours pour une femme de 19 ans qui a su, malgré les difficultés affûter ses lames quand il le fallait et sortir des plats déjà dignes des grands. Affaire à suivre…

 

Louise Delaroa.

*Emission préliminaire pour les apprentis pour intégrer Top Chef.

 


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