Cap sur les Pyrénées-Orientales à la découverte des vins de la vallée de l’Agly, petite région viticole en pleine effervescence depuis quelques millésimes.

Vins de la vallée de l’Agly, longtemps toisés

Il y a encore quelques années, l’amateur de vins connaissait vaguement du Roussillon ses vins doux, banyuls et rivesaltes, ou les jolies cuvées des meilleurs domaines de Collioure…

À Paris, le Languedoc faisait causer et boire du saint-chinian, du faugères, du minervois ou du pic-saint-loup, mais les vins de la Catalogne voisine, peut-être à cause d’une géographie lointaine, semblaient rester à la remorque du renouveau.

Snobés. Le monde du vin toisait le Roussillon du coin de l’œil. Depuis quelques millésimes, il le scrute à la loupe !

À l’instar du Jura par exemple, cet extrême Sud de la France s’affirme désormais comme l’une des régions les plus excitantes et les plus dynamiques de l’Hexagone viticole.

En plus de la tramontane, un vent nouveau souffle sur le coin, et balaie notamment la désormais fameuse vallée de l’Agly, au nord des Pyrénées-Orientales : il y a là un nid de formidables domaines qui, de millésime en millésime, révèlent des terroirs extraordinaires.

Avant les autres, certains visionnaires ont eu le talent de démontrer leur potentiel, comme Gérard Gauby et Jean Gardiès, des domaines éponymes, ou un peu plus tard Hervé Bizeul, du Clos des Fées.

Hier snobées, ces appellations de la vallée de l’Agly ont le vin en poupe

Dans leur sillage, des producteurs locaux se sont mis au diapason de la qualité et d’autres sont venus d’ailleurs prendre racine dans les parages : à propos de la vallée de l’Agly, on a même parlé « d’eldorado » et de « terre promise », pour des jeunes vignerons talentueux trouvant ici un foncier très abordable pour s’établir, également pour des grands noms, des négociants et des investisseurs toujours à l’affût de nouveaux territoires prometteurs.

Parmi eux, les Bordelais Thunevin et Magrez, le Rhodanien Chapoutier, sans oublier Olivier Decelle qui, au tournant des années 2000, a lâché les rênes de la société Picard Surgelés pour racheter et s’occuper à plein-temps de l’emblématique Mas Amiel.

Après des années 90 désastreuses qui ont vu la région souffrir du désintérêt croissant pour les vins doux, de nombreuses coopératives baisser le rideau et des vieilles vignes être arrachées à tour de bras, la vallée de l’Agly est sortie de l’anonymat de façon très spectaculaire.

À Estagel, Latour-de-France, Montner, Lansac, Maury, Tautavel ou encore Calce, on ne compte plus les domaines dont les cuvées s’affichent désormais en tête d’étagères chez les cavistes les plus exigeants, et sur les livres de cave des bistrots à vins et des tables étoilées les plus pointus en matière de bien boire.

La robuste silhouette du Canigou ou les ruines de châteaux cathares en arrière-plan, les lieux dessinent des paysages sublimes et puissants composés de falaises abruptes, de gorges encaissées ou de vallons plus aimables.

Les panoramas en imposent !

La vigne, elle, trace ses sillons sur des replats, des pentes douces ou des coteaux si raides qu’ils interdisent toute mécanisation : la pioche est à portée de main de nombreux vignerons.

La variété du terroir permet aux vins d’exprimer leur singularité

Le terroir ? Entre schistes noirs, marnes noires, argilo-calcaires, arènes granitiques ou gneiss, il se conjugue au pluriel d’une rare complexité géologique dont l’origine interroge les spécialistes.

Ajoutez à cela les différences d’altitude et d’expositions, et vous obtenez une mosaïque étonnante.

Sur les terres des AOC côtes-du-roussillon, côtes-du-roussillon villages, maury – en doux et désormais aussi en sec – voire en IGP côtes-catalanes ou en vin de pays, les vignerons ont en plus accès à une large palette de cépages, carignan, grenache, syrah, mourvèdre ou encore lledoner pelut pour les rouges, grenache blanc (ou gris), maccabeu, roussane, malvoisie du Roussillon, muscat d’Alexandrie ou encore viognier pour les blancs.

Si certains domaines perpétuent la tradition locale de la production de vins doux – le Mas Amiel pour le maury ou le Domaine de Rancy pour de superbes rivesaltes par exemple –, la vallée de l’Agly défraie surtout la chronique viticole pour ses vins secs, en blanc comme en rouge.

La richesse du coin tient non seulement à son exceptionnelle concentration de vignerons de haut vol, la plupart inscrits dans une démarche bio, mais aussi à la diversité de leurs vins.

Chaque producteur s’exprime selon son propre terrain de jeux, ses sols, ses micro-climats, ses convictions et, au-delà de leur ADN catalan commun, les vins montrent des profils très différents : certains riches et généreux, d’autres plus droits, dépouillés voire carrément tranchants, sur les blancs comme sur les rouges…

Pour ses paysages comme pour ses vins, la vallée de l’Agly ne manque ni de tempérament ni de noblesse, et n’usurpe en rien sa nouvelle réputation.


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  1. Tom Lubbe, du domaine Matassa et originaire d’Afrique du Sud, fait partie de cette nouvelle génération de vignerons dynamiques et souvent venus d’ailleurs qui ont métamorphosé le paysage viticole de la région.
  2. Les remarquables vins nature d’Édouard Laffitte du Domaine Le Bout du monde : des flacons très prisés par les cavistes dignes de ce nom.
  3. Installé depuis plus de 10 ans, l’Angevin Olivier Pithon est devenu une référence des vins du Roussillon. Ici, il vérifie une cuve en début de fermentation.
  4. Cathy Laffite, du Domaine des Soulanes, produit des vins bio sur une belle diversité de terroirs, à prix raisonnables, avec le sourire en plus.
  5. Avec en toile de fond le mont Canigou, la vallée offre un panorama superbe et une très grande richesse de terroirs.
  6. La belle carte des vins du coin.

 Texte Pierrick Jégu. Photos Laurent Grandadam.