De Hué, ancienne capitale impériale qui s’étire le long de la rivière des Parfums, à Hoi An où le temps s’est arrêté, voyage au centre du Viet Nam, où la gastronomie est un art de vivre.

Voyage et tourisme au Vietnam

Au Viet Nam, bien sûr, il y a les braseros sur les trottoirs à l’heure des brochettes, les chapeaux coniques et le grand marché qui s’anime dès 6 heures ; les odeurs fortes de crevettes fermentées et de nuoc-mam, les montagnes de porc caramélisé, les corbeilles de citronnelle et les guirlandes d’encornets séchés…

Bien sûr, comme partout dans ce pays, il faut faire avec le va-et-vient pressé des balancelles et le flot des motos qui ne finit jamais.

Mais ici, il y a quelque chose en plus.

Une ombre. Un fantôme. L’empereur. Hué n’est pas n’importe quelle ville.

C’est la capitale des Nguyên, seigneurs de l’Annam et empereurs du Viet Nam de 1804 à l’abdication de Bao Dai, en 1945.

Une dynastie malheureuse, assurément, qui dut composer avec les appétits chinois, puis français.

Le vrai pouvoir n’était plus guère à Hué, du temps de l’Indochine. Mais une dynastie quand même, qui eut ses empoisonnements, ses luttes fratricides, ses mandarins intrigants, sa cour, son rituel (prosternations devant le souverain) et sa cité interdite.

On l’appelait la « cité pourpre ».

N’y entraient que l’empereur, ses épouses, ses concubines et ses eunuques. Le tout fut construit à partir du xixe siècle, à la mesure d’un rêve tragique et déchu. Bao Dai, qui aimait l’Occident, y fit ajouter un court de tennis.


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Au Viet Nam, une vie simple

On découvre Hué à la tombée du jour, quand les derniers rayons illuminent la rivière des Parfums, en passant le pont Clémenceau dont l’administration française confia la réalisation à Gustave Eiffel.

D’épaisses murailles entourent le grand carré de la citadelle.

On franchit ensuite une seconde enceinte, celle de la cité impériale, où l’on joue à se perdre de temples en palais.

De canaux en cours secrètes.

De dragons de pierre en cloches de bronze.

Tout au bout de ce parcours initiatique, le saint des saints : le palais impérial. Français, Japonais et Américains l’ont maintes fois pillé et bombardé. La reconstruction est toujours en cours.

De ce lustre, Madame Ha fait son fonds de commerce.

Dans sa villa de la citadelle changée en restaurant, elle nous montre le livre qu’elle termine : cent soixante recettes servies jadis à la table de l’empereur.

Puis, la maîtresse des lieux enfile son ao dai de soie bleue et attaque le service.

Elle est de sang impérial, précise-t-elle.

Ce qui ne veut pas dire grand-chose à Hué car certains souverains eurent jusqu’à deux cents épouses… Puisque, pour son illustre ancêtre, la vue comptait autant que le goût, elle oscille entre beau et kitsch : dragons de carottes râpées, coq aux plumes de nems, phénix de radis noir et lampions d’ananas…

À la sortie, avant de quitter la citadelle, un cyclo-pousse nous propose un mystérieux circuit « Unesco-city ».

À l’intérieur des remparts de la citadelle, les rues sont calmes et ombragées.

On y croise des bonzes débonnaires à la porte de leur temple, des revendeuses de chè (une soupe sucrée servie froide, douce et délicieusement gluante, à base de tapioca et de haricots, arrosée de lait de coco), des enfants qui apprennent à danser sous un kiosque…

Au Viet Nam, la vie, toute simple, à l’ombre des palais.


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Vietnam : tourisme de Hué à Hoi An

1. La pagode de la Dame céleste est considérée comme une des perles de Hué. On y accède en jonque en allant voir les tombeaux des empereurs.

► 2. À Hué, les encornets séchés sont conservés en guirlandes. Passés au wok, avec des herbes et du nuoc-mam, ils retrouvent tout leur moelleux.

Est-ce à son histoire que Hué doit la réputation de sa cuisine ?

En tout cas, rien ici n’est tout à fait pareil. Le petit déjeuner n’est pas un phó comme à Hanoï mais un bún bò Hué, dont les nouilles sont plus fines et le bouillon parfumé au porc.

Quant à la pâte de riz, elle donne lieu à mille variations : les bánh bèo, petites bouchées que l’on gobe d’un coup à la cuillère, ou encore les bánh nâm, une perle de crevette que l’on déguste comme une huître au fond d’une feuille de bananier pliée.

De l’autre côté du col des Nuages, à une centaine de kilomètres, Hoi An dispute pourtant à Hué son titre de capitale.

Gastronomique, cela s’entend, car pour le reste, cette petite ville de province n’a jamais eu de prétentions.

Au temps où Hué paradait, Hoi An n’était qu’un port, un comptoir, par où transitaient tabac, porcelaines et tissus.

Peu à peu, les fonds de la rivière se sont ensablés, Da Nang lui a ravi son trafic, et tout s’est arrêté. Il en est resté des maisons de commerce en bois sombre alignées le long du quai, des temples bouddhistes qui n’ont pas bougé depuis le xviie siècle, et un pont couvert avec une pagode. Se faire photographier devant le jour de son mariage est du dernier chic pour les jeunes Vietnamiens.

1. Silencieux, le cyclo-pousse reste très utilisé à Hoi An, il est idéal pour découvrir la vieille ville.

► 2. Les balancelles sont très utilisées pour livrer sur les marchés.

► 3. Les ramboutans : ces fruits à l’écorce rouge ont une saveur proche de celle du litchi.

► 4. Soupe bun bo hué

Viet Nam et gastronomie :  des roses blanches à déguster

Les poutres sculptées au-dessus des portes, les bassins dans les cours intérieures, la luxuriante décoration des temples, tout raconte ici une abondance perdue.

La plupart du temps, ce sont les descendants des marchands qui font eux-mêmes visiter leurs maisons.

Ils racontent volontiers comment leur famille s’est métissée de Chinois et de Japonais, puisque les trois communautés se sont côtoyées, commerce oblige.

On comprend mieux, du coup, la spécialité de Hoi An, le cau lau. D’épaisses nouilles de riz, servies dans un bol avec très peu de bouillon, quelques lamelles de porc et des fritons, qui ont effectivement un petit air de soba japonaise.

Même la crêpe vietnamienne ne se ressemble pas tout à fait. Croustillante, remplie d’herbes, de porc et de crevette, elle se mange roulée dans une fine feuille de riz.

Comme un raffinement supplémentaire.

Sous les pales d’antiques ventilateurs, les habitants de Hoi An arrondissent leurs fins de mois en tissant la soie, en coupant des costumes ou en façonnant du bout des doigts des « roses blanches », bouchées à la viande d’un blanc immaculé, qu’ils s’en vont livrer ensuite chez les restaurateurs.

Depuis trois générations, une famille s’est fait une spécialité de ce commerce.

Dans son atelier, une dizaine de jeunes femmes papotent autour d’une table.

Il y a celles qui pétrissent la pâte de riz. Celles qui en font une poche d’une simple pression du doigt.

Celles enfin qui déposent une cuillère de farce avant de modeler l’ensemble.

Élégante, cette gourmandise qui s’ouvre en cuisant à la vapeur comme un bouton de fleur va bien à Hoi An, Viet Nam.

Délicate comme les fragiles lampions de papier que l’on allume aux portes des maisons, quand la nuit tombe, et qu’un souffle d’air venu de la mer fait osciller, ravivant les souvenirs anciens.