vinaigre de xeres

Il se passe quelque chose au rayon condiments. Alors que depuis des années, les huiles font leur show, voilà que le vinaigre, jusqu’ici dévolu à apporter de l’acidité aux crudités, se pique d’avoir du goût. Si les gastronomes et les voyageurs connaissent depuis belle lurette le vinaigre de xeres, le consommateur lambda a longtemps été cantonné au choix vite fait entre le vinaigre d’alcool coloré et le vinaigre de vin, le vinaigre d’alcool blanc étant relégué à un usage domestique ou à la fabrication de conserves.

Vinaigre de Xeres : appellation contrôlée et chouchou des chefs

Le vinaigre de Xeres bénéficie comme le balsamique de Modène, d’une appellation contrôlée. Il  afait appel à Alain Passard, chef de L’Arpège, ou Pascal Barbot, chef de L’Astrance, pour assurer sa promotion et rappeler qu’un bon vinaigre a toute sa place en cuisine. « Il donne du relief à un plat, résume le chef Olivier Rœllinger, il le vivifie. » Au même titre que le sel ou les épices, il se révèle un indispensable condiment.

Vinaigrette au gingembre et vinaigre de Xérès.

  • Pelez 1 morceau de gingembre frais de 3 cm et hachez-le grossièrement.
  • Dans un blender, mixez le gingembre avec 22 cl d’huile d’olive,
  • 2 c. à soupe de vinaigre de Xérès,
  • 2 c. à soupe de jus de citron vert et 1 c. à soupe d’eau.
  • Émulsionnez. Salez. Poivrez généreusement.

Vinaigre de Xérès au piment

  • Faites toaster 2 piments forts et secs dans une casserole antiadhésive sans ajouter de matière grasse.
  • Versez 1 l de vinaigre de Xeres et faites frémir 2 mn.
  • Versez en filtrant dans 1 bouteille préalablement ébouillantée. Fermez hermétiquement.
  • Laissez reposer 24 h avant utilisation.
  • Ce vinaigre se conserve 6 mois dans un endroit frais à l’abri de la lumière.
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Le vinaigre est utilisé pour les marinades comme pour ces pickels

Le vinaigre, condiment historique

Aujourd’hui, il n’est pas insolite de goûter un vinaigre de xeres à la petite cuillère comme on le fait pour une huile d’olive. À condition d’oublier le succédané industriel et de prendre la peine de (re)découvrir les vinaigres à l’ancienne.

Ce n’est que justice pour un beau produit tombé bien bas. Pensez qu’au xviiie siècle par exemple, on comptait chez certains vinaigriers de Paris plus de 150 sortes.

Bonne cliente, Madame de Pompadour en faisait mettre trente-sept sur la table de Louis xv pour stimuler son appétit.

On trouve sa trace en Égypte et en Mésopotamie, il y a plus de cinq mille ans. Les Romains et les Grecs le consommaient additionné d’eau comme boisson désaltérante.

Rappelez-vous le Christ en croix, à qui l’on tend une éponge trempée dans du vinaigre… La Bible témoigne d’ailleurs de son usage, tel le livre de Ruth qui rapporte « Quand l’heure de manger sera venue, venez ici et mangez votre pain, et trempez votre morceau dans du vinaigre ».

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Saumon au vinaigre de riz

Le vinaigre, de cuisine ou de table

Longtemps, sa fabrication n’a relevé que des bons soins de la nature. Comme le montre son étymologie, le vinaigre n’est autre qu’un vin aigre : une substance alcoolisée qui a fermenté sous l’effet de la chaleur. En France, il faut attendre le Moyen-Âge pour qu’on commence à organiser sa fabrication et donc son commerce.

C’est jusqu’alors les taverniers qui le produisent et les pharmaciens et épiciers le font venir de province. Mais certains marchands qui confectionnent des sauces, notamment en le mélangeant avec de la moutarde en poudre, se mettent à fabriquer eux-mêmes du vinaigre.

Leurs premiers statuts datent de 1394 et un siècle plus tard, ils n’obtiennent rien de moins que le titre de « vinaigriers-moutardiers-sauciers-distillateurs en eau-de-vie et esprit de vin et buffetiers  » ! Assorti de certains privilèges, comme celui par exemple, de pouvoir acheter l’étoffe qui permet de passer le vinaigre.

Mais aussi de devoirs : pour exercer ce métier, il faut avoir fait trois ans d’apprentissage à Paris et produit un chef-d’œuvre. Il est défendu d’utiliser « lye puante, vin éventé » et les cuves et ustensiles se doivent d’être d’une propreté irréprochable sous peine de confiscation du matériel et d’une amende. En outre, le valet chargé de colporter les produits ne doit pas être « tordu ou mal habillé » !

Le vinaigre à la table des rois

  • Progressivement, aux côtés du vinaigre de cuisine va apparaître des vinaigres doux, parfumés à la chicorée, à la capucine, à la sarriette, aux anchois ou à la cerise, qui vont faire la fortune de leurs concepteurs.
  • Le plus célèbre reste sans doute Antoine Maille. Il parvient à composer cinquante-cinq vinaigres de table et quatre-vingt-douze de toilette, devenant fournisseur officiel du roi.
  • On a, il est vrai à l’époque, ce goût pour l’acide, qui se perdra avec l’avènement de la cuisine bourgeoise au xixe siècle. On raffole de légumes ou de fruits marinés (les ancêtres des pickles) et dans toute recette, on ajoute au moins une cuillère de vinaigre.
  • Mais au-delà de l’inventivité des fabricants, le souci majeur reste d’accélérer sa fabrication.
  • Malgré toutes sortes d’expérimentation, il faut attendre l’avènement de la science pour percer son mystère. Le scientifique Christiaan Hendrik Persoon s’intéresse en 1822 au voile qui flotte à sa surface, la « mère ».
  • Spécialiste des champignons, il croit en reconnaître un et le nomme Mycoderma aceti. Pasteur met les choses au point en 1864 en expliquant que le vinaigre est le produit de l’oxydation de l’alcool par l’oxygène de l’air sous l’action d’une bactérie, nommé aujourd’hui Acétobacter.
  • Cette découverte va permettre l’industrialisation de la fabrication et par là même son uniformisation.

Acidité à géométrie variable

Il faut aujourd’hui 24 heures pour fabriquer un vinaigre ordinaire dans une cuve de 30 000 litres, contre un an pour un vinaigre à l’ancienne. Surtout, le vinaigre est devenu très acide. En cause, un décret qui, dans les années 30 a fixé le taux d’acidité à au moins 6 %, afin d’éponger une surproduction de vin. Son abrogation en 1988 et l’évolution des goûts du consommateur ont permis récemment de retrouver des vinaigres aigre-doux comme le Melfor alsacien ou des vinaigres issus de cépages particuliers, comme le banyuls.

  • Vinaigrette balsamique au miel et à l’ail. Fouettez 6 cl de vinaigre balsamique et 1 c. à soupe de miel, ajoutez 12 cl d’huile en fouettant. Incoporez 1 petite gousse d’ail dégermée et hachée, salez et poivrez.
  • Vinaigre de cidre ou miel. Portez 1 l de vinaigre de cidre et 8 c. à soupe de miel à ébullition en mélangeant de temps en temps pour faire fondre le miel. Laissez frémir 8 mn. Versez en filtrant dans une bouteille préalablement ébouillantée. Fermez hermétiquement. Laissez reposer 24 h avant de consommer. Conservez dans un endroit frais, à l’abri de la lumière, 1 mois maximum.

Recette de canard poêlé au vinaigre de xérès