A Vendel, quelque part en Ile-et-Vilaine, Annie Bertin cultive le plus naturellement du monde des légumes plébiscités par quelques-uns de nos plus grands chefs.

Annie BertinVu le nombre de restaurants, bistrots de tout premier ordre comme tables étoilées de Paris et d’ailleurs qui affichent fièrement son nom sur leur carte ou leur ardoise, Annie Bertin pourrait se prendre pour une star du Landerneau gastronomique… Ce serait mal connaître cette femme qui accueille ces honneurs avec bon sens et détachement et qui, tous les samedis, sur le superbe marché des Lices, à Rennes, dresse un humble étal de poche pour vendre les produits de son exploitation – elle fait aussi le marché bio de Bruz, le mardi après-midi. Aux premières heures du marché, avant que la foule ne batte le pavé de la plus belle place de la capitale bretonne, les bons chefs du coin se bousculent au portillon, à commencer par David Etcheverry, toque une étoile du restaurant Le Saison, à Saint-Grégoire.

À une quarantaine de kilomètres au nord-est de la grande ville, Annie Bertin a ses quartiers et ses racines au lieu-dit Le Blot, sur la commune de Vendel.

Elle veille sur les 35 hectares de la ferme familiale qu’elle exploite en son nom depuis 1992, officiellement convertis en bio en 2006 même si le respect de l’environnement était déjà une priorité depuis longtemps.

Ses parents pratiquaient l’élevage, mais elle n’était « pas douée pour ça » ! Alors, sur ses terres limoneuses, dont une partie borde le cours paisible du Couesnon – vous savez, c’est cette rivière, qui, « dans sa folie a mis le Mont(-Saint- Michel) en Normandie » selon le dicton local –, elle a commencé à faire dans le végétal. Aujourd’hui, le « menu » de son exploitation – Les Légumes de Blot – est large, bien sûr rythmé par les saisons, riche d’une foule de produits connus ou plus rares : jeunes pousses de salades, mini-légumes, radis en tous genres, carottes de différentes variétés, tomates anciennes, féveroles, choux de Shangaï, fenouil bronze, panais, topinambours, asperges vertes, betterave chioggia, shiso, amarante, roquette, blette, herbes aromatiques, etc. Au pas de course, il faut suivre la maîtresse des lieux dans ses champs ou dans ses petites serres – « c’est pas ma tasse de thé, je préfère largement le travail en plein air ! » – pour prendre la mesure de son dynamisme, de sa curiosité et de sa passion pour son métier.


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Les légumes d’Annie Bertin, des herbes pas si folles

« Plus en phase avec la nature qu’avec la société », comme elle dit, elle étend son territoire de cueillette aux talus et aux haies environnant les chemins et la petite route qui mène à la ferme.

La récolte des plantes et des herbes sauvages est l’une de ses activités préférées, et la balade tourne à la leçon de choses avec dégustation immédiate à l’appui. L’urbain lambda habitué à battre le bitume passerait là sans rien voir, alors qu’Annie Bertin a l’œil acéré pour repérer et vous faire goûter la berce, les orties, l’oseille, le mouron des oiseaux ou encore le chénopode. Tous ces produits arrivent à un moment ou à un autre de l’année dans l’assiette des fidèles du marché ou « atterrissent » dans les cuisines de grands chefs très pointilleux sur la sélection de leurs matières premières. Pour ces derniers, Annie Bertin récolte et expédie à la commande.

En 1997, la chic et célèbre brasserie Le Dôme, du côté de Montparnasse, fut son premier client parisien. Beaucoup d’autres maisons de haute tenue ont suivi et suivent encore, et Les Légumes de Blot figurent sur l’exigeant carnet d’adresses de chefs de la trempe de Pascal Barbot, triplement étoilé à L’Astrance, de William Ledeuil à Ze Kitchen Galerie, de Thierry Breton, patron de Chez Michel ou encore de Sven Chartier, chez Saturne. Même s’il lui arrive – rarement – d’aller s’attabler dans l’un ou l’autre de ces établissements, Annie Bertin n’a guère le loisir de quitter sa terre d’Ille-et-Vilaine.

Des projets? « En faire un peu moins! », répond-elle du tac au tac. Ce n’est peut-être pas demain la veille… Pour lui demander une toute dernière précision avant de rédiger l’article, on a dû tenter plusieurs fois notre chance au téléphone et puis, au fil de la conversation, on l’a interrogée sur ses préférences culinaires quotidiennes. Ce jour-là, son petit déjeuner était composé de féveroles, de berce, de graines de courge et d’un morceau de pain. Toujours au plus près de la nature !


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