Finaliste du Concours Top Chef, cet électron-libre a conquis les téléspectateurs par son approche originale et son inventivité sans limite. Il se consacre désormais à l’ouverture de son prochain restaurant aux côtés de sa femme Emie.

Adrien Cachot, finaliste de Top Chef 2020

Adrien Cachot, crédit M6

Aujourd’hui je veux être le coup de cœur du jury”, annonce impassiblement Adrien. Avec un calme imperturbable, il tranche ses sucrines, les poêle, les passe au four, les fume aux épines de sapin, cercle ces demoiselles, réalise une chips de pain “pour apporter du crac”, dépose des œufs de poisson rouge et noir au fond d’une assiette, verse son coulis de roquette et dresse sa salade pointe vers le ciel. D’un coup de fourchette, il emballe le jury. Philippe Etchebest mimant un crochet annonce : “on a pris du percutant ! Boum !”. Hélène Darroze acquiesce “c’est le plus beau plat de la saison”, quant à Paul Pairet, son chef de brigade, il esquisse un sourire. Amusé, il reconnaît “la prise de risque maximale du candidat”. Comme le reste de l’équipe, il est dérouté par le “phénomène Adrien”. 


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A 30 ans, le chef à la barbe longue est l’énigme de ce concours. Peu expansif mais communicatif à travers ses plats, c’est un adepte des associations les plus improbables mises en valeur par des techniques et des ustensiles insolites –  cf le flambadou, un flamboir conique remis au goût du jour -. Sans ciller, il peut également proposer, un sandwich merguez/moule/chou de Bruxelles au chef trois étoiles et meilleur ouvrier de France, Eric Fréchon. Que ce soit par son comportement ou par son approche de la cuisine, Adrien mène la compétition à sa sauce :  il est tout de même le premier candidat à quitter les sélections de Top Chef pour se rendre aux toilettes. “On me l’avait jamais faite celle-là !” avait rétorqué Hélène Darroze sidérée par son flegme. Qu’importe, ce jour-là malgré ses dix minutes d’absence, il est qualifié.

Il faut dire qu’il n’a jamais cherché la simplicité. Pendant une épreuve “le fromage en dessert”, Adrien avait choisi l’époisses, réputé pour son goût prononcé et son odeur prenante. Il impose aussi  naturellement à ses adversaires un plat qu’il n’a jamais réalisé à base de pied de cochon, de fraise de veau et de pouce-pied servis sans accompagnement. Mais ce n’est pas pur esprit de contradiction qu’il choisit systématiquement de se démarquer. La cuisine est pour lui un terrain de jeu, “j’ai envie de m’amuser donc j’y vais” et “si la version traditionnelle ne lui convient pas, il va la réinterpréter et faire ça différemment”, témoigne son ancien chef et formateur, Nicolas Magie (1 étoile au Guide Michelin, désormais directeur général de l’Hôtel 5 étoiles La Suite Villa en Martinique). Il se souvient par exemple avoir demandé à Adrien de préparer pour lui et ses amis, une tête de veau sauce gribiche : « ça l’ennuyait. Je lui ai dit, non tu me fais cette tête. Au moment de servir, Adrien apporte une tête de veau… en croûte de sel. J’étais paniqué, mais en définitive, c’était un plat extraordinaire”. Dans son restaurant Détour à Paris, l’ambiance est également au jeu “il présente une bouchée et on doit deviner ce qu’il a mis dedans. La salle rit, tout le monde goûte et essaye de trouver les ingrédients”, raconte Françoise, sa mère.

Je trouve la rencontre entre le Pithiviers, un plat ultra-traditionnel français, avec le kebab vraiment trop drôle”.

Il pousse d’ailleurs le jeu jusqu’à l’intitulé de ses plats : le “Pingeon”, un pigeon en croûte de pin, ou le “Cephonoré” le célèbre Saint-honoré réalisé avec des cèpes, “ Il faut qu’on s’amuse ! On est n’est pas toujours obligé d’être sérieux”, plébiscite-t-il. Mais son « Pithibab », n’avait pas convaincu son chef Paul Pairet. “ Je le proposerai dans mon restaurant, sans donner d’explication sur le plat, c’est le jeu. Je trouve la rencontre entre le Pithiviers, un plat ultra-traditionnel français, avec le kebab vraiment trop drôle”.

En plus de ses créations originales et décalées, Adrien n’hésite pas à mixer les genres, “la cuisine française, c’est aussi notre histoire. Je vais réutiliser ces classiques et essayer d’en faire quelque chose de différent. J’aime autant un grand plat qu’un plat populaire”. Et pour y arriver, il y ajoute sa touche personnelle : travailler les produits dépréciés et/ou économiques, “que ce soit un maquereau, une sardine ou un pied de veau, il va aller jusqu’au bout du produit, le révéler en l’accompagnant d’un petit condiment ou d’une sauce qui va lui donner du peps”, précise Nicolas Magie. Ces ingrédients demandant beaucoup de travail, offrent la possibilité à Adrien de se démarquer tout en proposant des saveurs saisissantes mêlées à des associations innovantes. 

Adrien, le rêveur 

Mais où puise-t-il sa créativité ? “Je me dis : il doit être allumé quelque part !”, plaisante sa mère, Françoise. Celui, qui dessinait sur les murs de sa chambre enfant, hésitait avec les fourneaux et la couture, une profession qui demande beaucoup d’imagination. En cuisine, entre deux préparations, il couche sur l’assiette ses réflexions, un paysage qu’il vu peut-être. Rien n’est moins sûr. “Je ne me fixe aucune limite”, dit Adrien et poursuit ”je fais tout au freestyle et au feeling”. Le chef Nicolas Magie ajoute, “Adrien ne vous fera jamais la même assiette, parce que son cœur aura changé. Il fait une cuisine de sa personne”. Il se laisse guider au gré de ses envies et de ses humeurs, en fonction de la disponibilité des produits. C’est toujours une surprise !

Cette liberté de création, il l’a acquise à sa force de travail et c’est grâce à elle qu’Adrien peut aujourd’hui prétendre à une cuisine personnelle et … indéfinissable. Lui, qui n’a jamais pu rentrer dans un moule – en témoignent sa scolarité et son parcours en cuisine atypique – sa différence il en a fait une force. “Je n’ai plus de prison. C’est rigolo pour quelqu’un qui s’appelle Cachot”. Cet électron-libre qui fait dans “la simplexité”, selon sa mère, sera pour son ancien chef “un très grand cuisinier avec une cuisine d’auteur, 100 % Adrien”. D’ici là, le chef ouvrira bientôt un nouvel établissement, l’ancien étant devenu trop petit, où il “ira encore plus loin”. Et le pithibab, avec quoi sera-t-il servi ?

Louise Delaroa


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