Après 6 semaines de compétition, Pauline Séné a été éliminée sur une dégustation à l’aveugle par son chef de brigade Paul Pairet. A 28 ans, la candidate méticuleuse de Top Chef était venue tester ses compétences et faire le bilan de sa cuisine.

Pauline Séné, Top Chef 2021. Crédit Marie Etchegoyen

Pauline Séné, Top Chef 2021. Crédit Marie Etchegoyen

Sur son plan de travail, rien n’est laissé au hasard. D’un côté les herbes aromatiques, de l’autre les casseroles qui crépitent. Pauline s’attèle à lever ses filets de rouget. Aux aguets, la candidate surveille d’un œil des quartiers de pastèques sur le feu, de l’autre, elle tourne son oignon, avant de découper d’un geste précis son porc fumé. Telle la déesse Shiva Pauline se démultiplie, abat préparation sur préparation, au risque de passer à côté de l’essentiel : trouver une cuisson originale pour son poisson. “Salade de salicornes, petit pesto, graines de courges, basilic, beurre de rouget avec les foies, bouillon de poitrine…”. Pauline énumère un à un les éléments en dressant son assiette devant le “chef de la mer”, le triplement étoilé, Ángel León. Malheureusement, derrière son travail titanesque, Pauline a noyé le poisson.

 


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Elle a tendance à en faire trop”, se désole son chef de brigade Paul Pairet tandis qu’Hélène Darroze reconnaît “un énorme travail engagé, mais par conséquent certains éléments de l’assiette ne sont pas aboutis”. A chaque épreuve, l’ancienne sous-cheffe du restaurant le Cobéa dans le 14e arrondissement de Paris, désormais fermé, n’a cessé de se surpasser au risque de se perdre. Et pourtant la travailleuse acharnée de la compétition n’en fait pas autant dans sa cuisine. “Vu que c’est un concours, j’ai voulu prouver trop de choses, alors que d’habitude, j’essaye plutôt d’aller à l’essentiel”, reconnaît Pauline. Son ancien chef étoilé, Philippe Bélissent fait le même constat, “elle aurait pu davantage se libérer mais elle avait sans doute peur de décevoir car c’est un concours. Elle a ce formatage des restaurants étoilés en faisant attention aux petits détails, d’être carrée, mais la cuisine de Pauline est plus simple et plus proche du produit”.

Rouget cuit au fer à caraméliser de Pauline. Crédit M6.

La rigueur, l’exigence et la justesse des gestes de Pauline, n’ont pas échappé à l’œil attentif du jury. Ses assiettes sont construites avec précision, “c’est vrai que j’ai un petit côté maniaque”, admet Pauline en plaisantant, “J’aime quand les dressages sont minutieux et que c’est lisible. On comprend tout de suite qu’il faut tremper le petit morceau de viande dans la sauce, qu’on vient ensuite récupérer la tuile qui se casse sur le dessus, les petites fleurs qui donnent un goût iodé ou piquant. Il faut que ça soit cohérent”, poursuit la cheffe.

On peut toujours compter sur elle.

Pauline déconcerte par sa technique et la quantité de travail qu’elle fournit sans jamais ciller. En brigade, elle inspire naturellement l’autorité d’un chef. “C’est une leadeuse, elle sait travailler en équipe”, se souvient son amie Juliette, co-cheffe avec Pauline au restaurant 52 à Paris, “à aucun moment je n’ai senti qu’elle cherchait à m’écraser. Au contraire, c’est un plaisir car elle est force de proposition, mais elle sait aussi écouter et n’est jamais avare de conseils”. D’ailleurs, Pauline n’hésite pas à venir en aide à ses coéquipiers, même dans un concours. “j’ai appris la veille à Baptiste à faire un soufflé”, s’amuse-t-elle. Ironie du sort, son soufflé au maïs s’est effondré à la sortie du four, tandis que celui de Baptiste lui a fait remporter l’épreuve imposée par Pierre Gagnaire. Même attitude au restaurant, Pauline ne laisse jamais personne de côté.  “Tandis que la plupart des chefs se regardent dans le blanc des yeux quand un service dérape, moi j’ai le souvenir de Pauline qui jette son tablier et part en salle servir les clients et sauver la soirée. On peut toujours compter sur elle”, atteste Philippe Bélissent.

Généreuse, Pauline l’est aussi dans sa cuisine. “Je n’aime pas que ça soit découpé en huit, j’aime quand on peut revenir dans un plat”. C’est peut-être pour ça qu’elle mettait autant de choses dans ses assiettes, s’interroge son amie Juliette. Pour le plaisir, l’ancienne sous-cheffe ajoute régulièrement une petite sauce inattendue à ses plats qui apporte de la gourmandise et du liant. “Une sauce au beurre, je ne vais pas forcément la faire avec un cabillaud, mais plutôt la servir sur une patate douce travaillée différemment. Une bonne sauce, y a rien de mieux surtout quand on la termine avec le pain, c’est la cerise sur le gâteau même si ça ne se fait pas trop normalement”, s’exclame pleine d’entrain Pauline. Même chose pour une assiette de coquillages qui manque de peps. Elle la transforme en une tartelette graphique de la mer, “une pâte très fine à l’encre de sèche avec des agrumes, du gingembre et une émulsion de fruits de mer à la citronnelle, puis dessus des coquillages roulés au beurre. C’est un plat qui a cartonné”, se rappelle Philippe Bélissent.

Venue faire un bilan sur sa cuisine, Pauline estime que l’expérience Top Chef, lui a “ouvert ses chakras de cuisinière”, mais ses projets ne sont pas tournés vers la haute technicité et complexité d’un concours du Meilleur Ouvrier de France. Elle espère simplement ouvrir dans un futur proche, un restaurant à son image : “détendu” avec une cuisine “simple mais complexe”, au Pays Basque, terre où elle a fait son apprentissage pour retrouver les “produits extras” et fournir une cuisine de partage.

Louise Delaroa.

 


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