Sa senteur capiteuse est omniprésente dans notre quotidien, pour le meilleur comme pour le pire (bougies, produits d’entretien…). Le pire en l’occurrence émane du parfum de synthèse, piètre succédané chimique inventé en 1874 pour contrer la cherté de l’épice. Ce prix élevé se justifie par une curieuse particularité botanique.

Publicité

La vanille provient d’une orchidée qui, à l’origine, ne poussait qu’au Mexique. En dépit de nombreuses tentatives d’acclimatation menées aux XVIIe et XVIIIe siècles, jamais elle ne daigna produire de gousses hors de son pays natal. Ce n’est qu’en 1836 qu’un botaniste belge en découvrit la raison. La vanille dépend, pour sa pollinisation et donc sa fécondation, d’un intermédiaire, rôle joué au Mexique par une abeille endémique du genre Melipona. Si le pot aux roses fut révélé par un savant, la solution pratique fut trouvée quelques années plus tard, en 1841, par un esclave de douze ans travaillant sur une plantation de l’île de la Réunion. Il suffisait de se substituer à l’abeille en fécondant manuellement chaque fleur, l’une après l’autre. Ce que les cultivateurs continuent à faire aujourd’hui ! À la minutie de la tâche s’ajoute un timing rigoureux : il faut surveiller de près l’épanouissement de chaque fleur, qui ne dure que quelques heures, et « marier » au plus vite les organes mâle et femelle en exerçant une légère pression sur le calice. Une opération répétée des centaines de milliers de fois par des « marieuses », selon la technique du jeune esclave, affranchi pour sa découverte.

Les gousses de vanille marquées à l’aiguille

La gousse verte cueillie sur le vanillier est inodore et insipide. Ce n’est qu’après un certain traitement qu’elle acquiert son puissant arôme. Elle est plongée dans un bain d’eau chaude puis drapée dans une toile de jute afin de favoriser sa fermentation. La gousse devenue brune est ensuite triée et conditionnée en petits fagots.

L’adjectif « bourbon » déclenche un soupir d’aise chez les connaisseurs. Seules les gousses provenant de Madagascar, de la Réunion (ex-île Bourbon) et des Comores méritent cette appellation. Elle est synonyme de qualité car ces pays sont réputés pour leur vanille à l’arôme particulièrement concentré. Si la meilleure vanille (Vanilla planifolia ou Vanilla fragans) s’épanouit dans les îles de l’Océan indien, on cultive aussi d’autres espèces en Polynésie française (Vanilla Tahitentis Moore, au parfum plus anisé) et dans les Caraïbes (Vanilla Pompona Shiede ou « vanille banane »).

Pour dissuader les voleurs de vanille, les cultivateurs apposent sur certaines gousses une marque qui leur est propre, souvent leurs initiales. À l’aide d’une aiguille, ils poinçonnent les lettres sur les gousses encore vertes et charnues. Avec un œil attentif, on peut encore les lire sur les gousses brunes et fripées.

Offrez-lui une seconde vie

Pour libérer son essence, une gousse doit être fendue dans sa longueur et ses graines raclées avec la pointe d’un couteau. Après avoir été infusée, une gousse vidée de ses graines peut connaître une seconde vie. Rincée et séchée, elle rejoindra un bocal de sucre en poudre, une bouteille d’huile d’olive ou une flasque de rhum qui captera son parfum. Plus original encore : réduisez la gousse en fine poudre et incorporez celle-ci dans une pâtisserie ou un beurre ramolli façon « beurre Bordier » (délicieux sur des toasts sucrés-salés).

Publicité

(Article publié dans le magazine Saveurs n° 198, 2012)

Publicité
Publicité
Publicité