
Périmé à jeter ou à manger : que disent vraiment les dates de péremption ?
Nous jetons en moyenne 20 kg de produits alimentaires par habitant et par an, dont 7 même pas déballés! Un gâchis d’autant plus grave que certains sont comestibles. La solution pour ne plus gaspiller sans risquer de s’empoisonner ? Apprendre à lire.
Au rayon gaspillage alimentaire, la méconnaissance des dates de péremption est en tête de gondole. Il en existe deux grandes catégories : la date limite de consommation, ou DLC, reconnaissable à la mention « À consommer jusqu’au » ; la date de durabilité minimale, ou DDM, signalée par la formule « À consommer de préférence avant ». Chargé de projet en évaluation des risques dans l’alimentation à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, Laurent Guillier nous dit tout ce qu’il faut savoir pour les comprendre et ne plus jamais jeter d’aliments encore comestibles. Pour la DLC, qui se trouve sur les produits frais, la règle est simple : respect stricto sensu, car il y a risque de toxi-infection. « Certes, le produit ne devient pas mauvais instantanément, précise Laurent Guillier. Le développement microbien se fait progressivement, et les industriels calculent la date à partir de laquelle il y a un risque significatif, en prenant une marge de sécurité. Mais il faut toujours la respecter, en particulier pour les personnes fragiles – immunodéprimées, âgées, femmes enceintes ou enfants de moins de 5 ans par exemple », insiste-t-il. Les produits à DDM, en revanche, se consomment encore des mois, voire des années après, puisqu’il s’agit d’aliments secs ou surgelés dans lesquels les microbes ne peuvent pas se développer. Goût, texture, couleur ou nutriments peuvent cependant subir une altération : désagréable le cas échéant, mais inoffensif.
DDM = date de durabilité minimale
Exemple : À consommer de préférence avant : 03/2025
Passé ce délai et au fil du temps, l’aliment peut perdre en qualités organoleptiques, mais il reste comestible des semaines, voire des mois.
DLC = date limite de consommation
Exemple : À consommer jusqu’au : 18/03/2025
La date est dépassée ? Il n’y a pas à hésiter, le produit est à jeter. Attention en amont aux quantités que vous achetez.
Les cas particuliers : beurre, yaourt, œuf
- Bien qu’étant un produit frais, le beurre a une DDM, ce qui veut dire qu’il reste comestible après celle-ci, car il est riche en matière grasse, milieu peu propice au développement microbien.
- Le yaourt, quant à lui, a une DLC, mais il peut se consommer jusqu’à 3 semaines après, comme l’a montré une étude de 60 Millions de consommateurs parue en 2017, car, précise Laurent Guillier, « c’est un produit fermenté avec un milieu acide qui le protège des pathogènes ».
- Cas particulier parmi les cas particuliers : les œufs. Ils ont leur système rien qu’à eux, la date de consommation recommandée (DCR), fixée à 28 jours après la ponte. Correctement conservés – dans leur boîte et au réfrigérateur –, ils restent comestibles bien après. Pour le vérifier, une astuce : plongez l’œuf concerné dans un saladier d’eau ; s’il coule bien au fond, il
est encore frais ; s’il remonte un peu, il faudra bien le cuire (dur ou dans un gâteau par exemple) ; s’il remonte à la surface, poubelle (ou compost, dans le meilleur des cas).
Faire appel à ses sens et au bon sens
Dans tous les cas, avant de consommer, une petite inspection s’impose : une boîte de conserve rouillée ou bombée, une brique gonflée, un bocal qui ne fait pas « ploc » à l’ouverture, un jus qui a ne drôle d’odeur… on ne prend pas de risques, on jette. Et rappelons qu’une fois le produit ouvert, la DDM n’est plus valable – une bouteille de lait UHT, par exemple, ne se garde que 3 jours au frais après ouverture. Enfin, Laurent Guillier souligne qu’il est important de respecter les modes de conservation indiqués, mais aussi de suivre les indications de préparation. « Les surgelés, en particulier, doivent être décongelés au réfrigérateur ou au micro-ondes. Il ne faut pas les laisser des heures à température ambiante car, en surface, on atteint vite une température propice au développement microbien. »
Tout est question d’organisation
Au-delà des dates de péremption, la meilleure arme pour ne pas gaspiller, c’est de s’organiser. D’abord, un truc tout bête, mais essentiel : bien ranger son réfrigérateur, en plaçant les produits avec la DLC la plus courte devant. Il est aussi important d’acheter la juste quantité, en évitant les pièges du « Maxi Format ! » ou « 2 achetés, 1 offert ! » Le vrac est en cela idéal puisqu’il permet de ne prendre que la dose nécessaire – et en apportant ses contenants, on évite en plus le gaspillage lié aux emballages. L’autre bonne idée, c’est de lister à l’avance ses menus, le dimanche pour la semaine par exemple, afin d’acheter juste ce dont on a besoin, sans se laisser tenter par certains produits judicieusement mis en avant dans les magasins. Enfin, on peut se faire un petit carnet de recettes pour recycler les restes ou les produits devenus moins appétissants d’avoir trop attendu (chocolat blanchi, biscuits ramollis, beurre rance) : pain perdu, soupe de légumes, gratin de pâtes, pesto d’herbes, fonds de tartes… Et qui sait, tout le monde se demandera peut-être quel est le secret de votre inventivité.
(Article publié dans le magazine Saveurs Green n° 5, 2021)