Bien enfoui dans sa carapace, les yeux baissés et les pinces repliées contre sa poitrine, le tourteau semble endormi. Ne vous y fiez pas : celui qu’on nomme dormeur veut juste la paix. Restez vigilants, ses grandes pinces à l’extrémité noire sont acérées et puissantes. Pour éviter d’y perdre un doigt, les pêcheurs sectionnent sur le bateau le nerf qui lui permet de les actionner.

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Où vivent les tourteaux ?

Il n’est pas difficile à dénicher, vous pouvez en trouver de petits dans les rochers sur les côtes atlantiques et méditerranéennes. Mais si vous voulez de vrais gros crabes, pouvant peser jusqu’à 5 kg, il faut vous en remettre aux pêcheurs qui posent des casiers jusqu’à 100 mètres de profondeur, attrapant également ses cousins, l’étrille et l’araignée de mer. On le pense fainéant parce qu’il ne bouge pas de la journée, mais la nuit, les femelles se lancent dans des migrations qui peuvent atteindre 200 km.

Bien choisir sur le crabe tourteau

Sur l’étal, un bon tourteau est un tourteau vivant. Pour vous en assurer, saisissez-le dans la paume de votre main, pinces vers le haut : si tout va bien, il doit refermer ses pattes. Profitez-en pour vérifier qu’il est bien équipé de toutes ses pattes (huit, plus les fameuses deux grosses pinces coupantes) : s’il en manque, la chair s’échappera durant la cuisson et il risque de se gorger d’eau. Soupesez-le comme vous le feriez pour un melon : il doit être lourd, dense. Un crabe léger peut certes être très savoureux, mais il aura moins de chair.

Quel est le meilleur tourteau ? Mâle ou femelle ?

Le choix est affaire de goûts : si vous êtes fan de corail, cap sur une femelle, à l’abdomen bien arrondi et à la tête « rebondie ». Si vous préférez les pattes bien pleines, misez sur un mâle à l’abdomen pointu et à la tête plate. Pour les distinguer facilement, le poids n’est pas un repère : l’une comme l’autre pèse en moyenne entre 400 g et 1 kg (avec des exceptions qui peuvent aller jusqu’à 4 kg et 40 cm de diamètre !). Le détail qui ne ment pas ? Retournez le crabe sur le dos et observez la languette abdominale : si elle est large, vous avez affaire à une femelle ; petite et étroite, c’est un mâle.

La bonne cuisson du tourteau

Si vous prévoyez de le servir en entrée, choisissez un "dormeur" (autre nom du tourteau) de 800 g à 1 kg pour deux personnes.

Astuce âmes sensibles : placez les tourteaux une quinzaine de minutes au congélateur pour les "endormir", avant de les plonger vivants, la tête en bas, dans un grand faitout rempli d’un court-bouillon brûlant, bien relevé : du sel, du poivre, 1 bouquet garni. On peut y ajouter 1 carotte, 1 poireau et 2 gousses d’ail, pour plus de goût, et du vinaigre, qui aiderait à éviter que les pattes ne se détachent du corps. Comptez 15 à 20 minutes de cuisson par kilo de tourteau (et 3 minutes de cuisson supplémentaires par 500 g au-delà), à petits bouillons, puis éteignez le feu.

À la différence des bulots, que l’on laisse refroidir dans le court-bouillon pour qu’ils s’imprègnent des arômes, les tourteaux se gorgeraient d’eau : sortez-les, laissez-les égoutter soigneusement, puis refroidir à température ambiante.

Comment manger un tourteau ?

Le tourteau cache bien son jeu. Bien au chaud dans sa carapace, pas moyen de suspecter la chair tendre qu’il recèle. Pourtant, une fois brisée son armure orangée, vous recueillerez la manne blanche que certains apprécient autant que le homard. Il suffit pour cela de trouver les jointures et de séparer les différentes "pièces" de la carapace. Pour les pinces et les pattes, optez pour la manière forte avec un casse-noix. Mais faites attention à ne pas broyer la chair et à éviter les éclats importuns. Vous n’avez plus qu’à le déguster avec une mayonnaise maison !

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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 210, 2014, et n° 306, 2024)

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