• Le collier : comme son nom l’indique, il se situe au niveau du cou du bœuf. Il apporte du moelleux.
  • Le flanchet : il est composé des muscles de l’abdomen. Très plat, sans os, il doit être soigneusement dégraissé. Tendre et juteux, il est excellent pour le pot-au-feu. Après une longue cuisson dans le bouillon, il est parfait pour confectionner des farces.
  • La macreuse : c’est une grosse masse de muscles, située sur le membre antérieur du bœuf. Elle se divise en macreuse à bifteck, macreuse à pot-au-feu et paleron. La macreuse à pot-au-feu, fibreuse, convient pour le pot-au-feu, les daubes et bourguignons. C’est le morceau idéal pour le hachis Parmentier.
  • Le paleron : partie du haut de la cuisse, le paleron est traversé en son milieu par un gros nerf. C’est un morceau gélatineux qui reste moelleux. Il est utilisé pour les braisés, les carbonades, les daubes et le bœuf mode.
  • Le jumeau : le jumeau à pot-au-feu, moelleux et gélatineux, sert à préparer les ragoûts, les daubes, les bourguignons, les pot-au-feu. Il possède… un jumeau, juste au-dessus de l’épaule, dont on fait des biftecks.
  • Le tendron : c’est la paroi abdominale du bœuf, formée de couches musculaires qui alternent avec des tissus graisseux. On peut aussi le braiser en cocotte et le bouillir. Juste avant le tendron, on trouve le milieu de poitrine : c’est un morceau de viande long et plat, le plus souvent vendu roulé et ficelé.
  • Le gîte : situé dans le bas des membres postérieurs, avant le jarret, c’est un morceau indispensable du pot-au-feu pour sa viande moelleuse et gélatineuse. À ne pas confondre avec le rond de gîte, tendre et peu gras.
  • Le jarret : aussi appelé gîte-gîte, morceau charnu, moelleux et gélatineux autant à l’avant qu’à l’arrière de l’animal. On l’utilise pour les ragoûts, le pot-au-feu et le bœuf mode lorsqu’il est désossé. Son os fournit l’os à moelle.

Levons tout d’abord l’ambiguïté d’un nom qui ne leur rend pas justice : les bas morceaux du bœuf n’ont rien à voir avec les abats que sont la langue, la queue, la joue, le foie ou les tripes. Rien à voir non plus avec une éventuelle basse qualité. Le terme « bas morceaux », en boucherie, désigne tout simplement les parties de l’animal les plus rapprochées du sol. Ainsi, le gîte, qui en fait partie, vient-il de « gésir » (qui signifie être couché en vieux français), car ce muscle proche du jarret touche le sol quand l’animal est allongé. On parle aussi de viande de deuxième et troisième catégories, la première étant celle des morceaux les plus tendres.

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À l’inverse du dos par exemple qui fournit le filet, le cou (collier) ou le haut des pattes (macreuse, jumeau) sont très sollicités ; la masse musculaire y est plus fibreuse et donc plus coriace. D’où des souvenirs cuisants de bœuf-carottes où on laisse les dents… Sauf à le mitonner dans les règles de l’art. Car si les morceaux tendres peuvent être sautés, grillés ou poêlés rapidement, les bas morceaux demandent une cuisson lente et humide, c’est-à-dire être braisés ou bouillis.

Lexique

  • Bouillir : Les viandes à bouillir sont directement plongées dans un grand volume d’eau salée et aromatisée, sans les faire colorer au préalable. En fait, il s’agit plutôt de les pocher, c’est-à-dire de les cuire à couvert en maintenant un léger frémissement du liquide et non un gros bouillon. Comptez 4 h de cuisson pour que la viande soit fondante, 1 h 30 à l’autocuiseur.
  • Braiser : C’est une cuisson en cocotte, à feu doux et à couvert, qui préserve toutes les saveurs. On fait d’abord revenir la viande dans de la matière grasse et lorsqu’elle est bien colorée, on mouille à hauteur avec du vin, de la bière ou du bouillon et on assaisonne. On cuit ensuite à feu ou à four doux pendant au moins trois heures, en ajoutant au besoin du liquide. On peut préparer un braisé la veille et le réchauffer : il est encore meilleur. 

Petit cours de sciences naturelles

Jouons les petits chimistes pour mieux comprendre pourquoi. Les muscles sont constitués de longues cellules, les fibres, qui contiennent de l’eau et des protéines. Chaque fibre est enveloppée d’une couche de protéines, nommées collagène. Les fibres sont regroupées en faisceaux, eux aussi gainés d’une couche de collagène ; l’ensemble étant également entouré de collagène pour former le tissu conjonctif. La clé de la dureté, c’est le collagène : plus il est abondant, plus les fibres sont solidement liées entre elles, plus la viande est dure. Les muscles les plus sollicités contiennent davantage de collagène. L’âge de la bête joue aussi : le nombre de liaisons entre les fibres augmente avec le temps. Cru, le collagène est élastique et dur. Heureusement, il se décompose sous l’effet de la chaleur et de l’humidité et se transforme en gélatine molle (selon le même principe que les feuilles de gélatine alimentaire). Cela requiert du temps, donc une cuisson longue. Or, les protéines à l’intérieur des fibres, quand elles sont chauffées, coagulent (à la manière du blanc d’œuf) et font durcir la viande. Simultanément, tant que le tissu conjonctif n’est pas dégradé, il se contracte quand il est chauffé, ce qui fait sortir le jus. Ce processus démarre à partir de 60°C environ et une viande qui atteint 80°C à cœur aura perdu un tiers de son eau. On comprend donc que pour tirer le meilleur parti des viandes riches en tissu conjonctif, il faut les cuire longtemps ET à faible température. Elles vont alors développer une tendreté insoupçonnée… C’est le principe du gigot de sept heures, que l’on mange à la cuillère.

Tout en saveur

Comme il y a une justice en tout, le cuisinier est récompensé de sa patience par la saveur exaltée qui va s’exprimer au cours de cette très longue cuisson. En se décomposant, le collagène produit en effet des acides aminés, molécules riches en saveur, qui vont se fondre dans le jus de cuisson. C’est ce suc précieux que l’on cherche à conserver depuis l’époque médiévale et l’apparition de la cuisine au pot, du pot…age au pot…-au-feu. Une substance que les chimistes ont cherché à identifier au siècle des Lumières. Louis-Jacques Thenard (1777- 1857), doyen de la Faculté des sciences, inventa ainsi la notion d’osmazôme pour évoquer cette chimie culinaire. Une notion qui fit rêver un Brillat-Savarin plus gastronome que chimiste et qui l’imagina à l’origine du goût des bonnes choses de ce monde… On peut la rapprocher de l’umami, cette cinquième saveur, ni salée, ni sucrée, ni amer, ni acide, identifiée en 1908 par un Japonais dans un bouillon d’algues et portée par le glutamate, un acide aminé contenu notamment dans la viande. Dans les deux cas, il y a erreur du point de vue scientifique, même si l’idée est là.

Réconciliés avec la tendreté et la saveur des bas morceaux, vous ne pourrez qu’être sensible à leur non moins grande vertu : leur faible coût. Comptez en effet environ moitié, voire deux tiers de moins pour les viandes à mijoter par rapport au prix du filet. En ces temps de crise, l’argument est intéressant, quoique la gastronomie française, à travers les âges, se soit toujours employée à utiliser les morceaux qui n’avaient pas leur place sur la table des rois. En 1651, La Varenne publie ainsi pour la première fois la recette du bœuf à la mode et initie la façon de cuire la viande pour qu’elle conserve son goût, sans la submerger d’épices comme au Moyen Âge. Sur le même principe vont apparaître les variantes régionales que sont la daube provençale, le bœuf bourguignon ou la carbonnade flamande, fleurons d’une cuisine bourgeoise que l’on ne cesse de redécouvrir. Leur secret : les longues heures (pas moins de trois et jusqu’à cinq) passées à mitonner au coin d’un feu doux. Retenons bien la leçon… Et ne demandons plus à notre boucher « de la viande pour le pot-au-feu » ou du « bourguignon », mais réclamons du paleron et une belle macreuse !

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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 179, 2010)

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