
Super-aliment ou piège calorique ? La vérité sur la noix de cajou
Originaire du Brésil, produite en Afrique, décortiquée en Inde et consommée en Europe… La noix de cajou, qu’on qualifie de super-aliment, gagnerait à s’inscrire dans une démarche de production équitable.
Qu’est-ce que la noix de cajou ?
C’est le fruit sec (akène) de l’anacardier, un arbre mesurant environ 10 mètres de haut, originaire d’Amérique tropicale et cultivé en zone tropicale, en Afrique, en Inde et en Asie du Sud-Est. C’est une cousine de la mangue et de la pistache, qui appartiennent à la même famille.
D’où vient son nom ?
De aca-iu, un mot en dialecte amérindien (tupi) qui signifie "qui se cultive tout seul". Il a donné caju en portugais, puis cajou en français.
Quel usage en cuisine ?
La noix de cajou se consomme telle quelle ou entre dans la composition de plats cuisinés, notamment d’origine asiatique ou indienne. Trempée une nuit dans l’eau froide (ou 1 h dans l’eau bouillante si on est pressé) puis mixée avec des aromates, la noix de cajou nature et non grillée donne une délicieuse pâte à tartiner qui constitue une base pour la cuisine végétale, notamment pour la fabrication des "faux-mages". Elle est aussi bien sûr la reine des en-cas, croquée par exemple sur les sentiers de randonnée, avec quelques abricots secs pour retrouver la pêche. On peut aussi la griller avec du sel et du romarin pour la déguster à l’apéro, ou la préférer nature dans un smoothie bowl, un riz au lait… Sans elle, la sauce curry avec petits pois, lait de coco et épices ne serait pas aussi savoureuse. Quant à sa poudre, elle se glisse à la place de celle d’amandes ou de noisettes dans les tartes aux fruits, les cakes, ou une base de cheese-cake végétal.
Les bienfaits santé de la noix de cajou
Très nutritive, comme tous les fruits oléagineux, avec 631 cal pour 100 g, la noix de cajou contient de bonnes graisses, les acides gras mono-insaturés oméga-9 (60 % de ses lipides), qui ont montré leurs bienfaits sur la santé cardiovasculaire en favorisant une diminution du cholestérol total et du mauvais cholestérol (LDL), sans réduire le taux du bon (HDL). Ceci bien sûr à condition de ne pas se gaver : 4 à 5/j, c’est bien. Elle renferme également : du magnésium, antistress ; du cuivre, nécessaire à notre production d’hémoglobine et de collagène ; du phosphore, qui joue un rôle essentiel, avec le calcium, dans la santé des os et des dents ; et des vitamines B1 et B2, nécessaires à la production d’énergie à partir des glucides que nous absorbons.
Par ailleurs, vous avez peut-être déjà entendu que la noix de cajou était un antidépresseur naturel… En fait, c’est parce qu’elle contient du tryptophane, un acide aminé qui, en aidant à la synthèse de la sérotonine, joue favorablement sur l’humeur.
Une production aux incidences non négligeables
Sur le papier, la noix de cajou a tout pour plaire. L’anacardier, l’arbre tropical dont elle est issue, prospère dans les zones arides et freine l’érosion. Son feuillage dense fournit de l’ombrage à la saison sèche, et ses rameaux nourrissent les herbivores. Décrit par les botanistes dès le XVIe siècle, lors des premières expéditions en Amérique du Sud, il a été domestiqué il y a au moins 4000 ans.
Après sa floraison apparaissent des faux-fruits charnus en forme de cœur; d’où son nom de famille, Anacardiaceae, issu du grec ancien et qui signifie "au-dessus du cœur". Ces pommes de cajou ont une pulpe goûteuse et délicate qui se consomme en confiture ou macérée dans du rhum. À leur extrémité, dans une coque ardue à décortiquer, se forme la noix ou plutôt, botaniquement parlant, la graine.
Cette coque contient un réservoir d’une résine, le baume de cajou (riche en acide anacardique, substance très toxique dont il faut se débarrasser pour atteindre la noix). Selon la méthode artisanale, on place les coques sur une tôle au-dessus d’un feu jusqu’à ce que la résine s’épanche et s’enflamme. La fumée qui se dégage est alors très irritante. Il faut ensuite extraire manuellement les noix, en se protégeant les mains des restes d’acide, ce qui n’est pas toujours le cas des ouvriers et ouvrières chargés de cette laborieuse besogne… Les noix sont ensuite dépelliculées, puis grillées pour enlever les dernières traces d’acide. La méthode mécanique permet de dégager la coquille en récupérant le baume pour un usage industriel, mais les noix sont ensuite toujours pelées et triées manuellement. Pour arriver à cette étape, les noix auront au préalable traversé le globe. En effet, si une partie des plantations se situe en Inde et en Asie du Sud-Est, les premiers pays producteurs sont africains, avec en tête la Côte d’Ivoire et ses 900 000 tonnes sur les 2 millions de tonnes mondiales. Pour des questions de main-d’œuvre, les noix sont envoyées en Inde pour être décortiquées. Elles retraverseront ensuite la planète pour être consommées en Europe ou en Amérique, sans traçabilité, car sur le marché européen, leur origine mentionne le pays de décorticage et non de culture. Or, en transformant les noix de cajou sur place, on divise l’empreinte carbone par douze. Sachant que la consommation de noix de cajou a augmenté de 50 % en dix ans, il est urgent de soutenir les exploitations équitables, notamment au Sénégal et au Vietnam, qui assurent toute la chaîne de production.
(Article publié dans les magazines Saveurs n° 277, 2021 et Saveurs Green n° 8, 2021)