Les jeunes de 12 à 18 ans sont très sensibles aux questions de changement climatique et de bien-être animal. Sachant que l’élevage cause 15 % des émissions de gaz à effet de serre, qu’il faut 5 kg de protéines végétales en moyenne pour produire 1 kg de viande, et qu’un tiers des stocks (comme on nomme la population d’une zone donnée) de poissons marins sont surexploités (entravant la capacité des espèces à se reproduire), beaucoup choisissent de les supprimer de leur assiette… ce qui peut inquiéter leurs parents quant à leur développement ! Car la viande est réputée pour ses apports en protéines (croissance), fer (oxygénation des cellules) et zinc (immunité) ; le poisson gras, pour deux nutriments rares dans notre alimentation, les oméga-3 (cerveau) et la vitamine D (immunité et fixation du calcium). Pour autant, pas de panique : publiée 2022 dans la revue Pediatrics, une étude canadienne portant sur 8 907 enfants montrait que les jeunes végétariens ont une croissance, un taux de fer et de vitamine D similaires à ceux qui consomment de la viande. Un régime végétarien équilibré fournit tous les nutriments essentiels pour bien grandir – et même davantage qu’une alimentation trop riche en protéines animales, produits transformés et fast-food ! La pédiatre Sandra Brancato nous explique comment aider nos ados à atteindre cet équilibre.

Publicité

Faire la part belle aux protéines végétales

"Les protéines sont indispensables à la croissance des os et des tissus, rappelle le Dr Brancato. Si l’adolescent mange des œufs plusieurs fois par semaine et des laitages chaque jour, c’est bien ; sinon, il devra consommer quotidiennement un mix légumes secs-céréales, pour recevoir tous les acides aminés essentiels." La spécialiste de la santé de l’enfant conseille de s’inspirer pour cela des cuisines du monde :

  • lentilles + riz en Inde,
  • tortilla de maïs + haricots rouges au Mexique,
  • semoule de blé + pois chiches au Maghreb,
  • riz + tempeh en Indonésie…

Avec, par petites touches, des oléagineux (cajou, amandes, pignons, noisettes, pécan, sésame…), non seulement pour compléter cet apport en protéines, mais aussi fournir de bonnes graisses et des minéraux.

Et le soja ? Certes, il est l’un des rares végétaux à contenir les 9 acides aminés essentiels ; cependant, en raison de sa richesse en phytoestrogènes (composés végétaux dont la structure rappelle celle des hormones sexuelles féminines), on évitera que les ados consomment au quotidien plus d’un produit à base de soja – tofu, boisson, dessert… Dans tous les cas, il convient de varier leur alimentation, et de ne pas leur servir que des steaks végétaux, bien pratiques, mais très transformés et trop riches en gras, sel, voire additifs.

Les 8 nutriments à surveiller (et leurs bonnes sources végétariennes)

  • Les protéines : œufs, produits laitiers, légumes secs, céréales, oléagineux.
  • Le fer : légumes secs, œufs, algues.
  • Le zinc : fromages, œufs, oléagineux.
  • La vitamine D : produits laitiers entiers, champignons.
  • Les oméga 3 : graines et huiles de noix, lin, chia, chanvre, cameline, colza.
  • La vitamine B12 : œufs, produits laitiers.
  • Le calcium : produits laitiers, légumes verts, oléagineux, algues.
  • L’iode : algues, œufs, fromages.

Surveiller le fer

"Le fer héminique contenu dans la viande et le poisson est mieux absorbé que celui d’origine végétale, explique le Dr Brancato. Toutefois, il est possible d’améliorer son absorption en l’accompagnant de vitamine C." On cuisine donc les légumes qui sont de bonnes sources de fer végétal (lentilles, pois chiches, pois cassés, haricots secs...) avec des ingrédients riches en vitamine C (citron, persil, choux, poivron, cresson, épinards...), ou bien on termine le repas par un fruit qui en contient : mûre, cassis, fraise, orange, ananas, pomélo, kiwi, mangue... On pense aussi à parsemer les plats d'algues séchées (laitue de mer, wakamé, spiruline...) et de graines (sésame, lin, courge...), également bien pourvues en fer.

En cas de doute, la pédiatre recommande une prise de sang au moment où le jeune change de régime alimentaire, puis 6 mois après pour contrôler, car si on constate une carence, il faut savoir si elle est due au changement d’alimentation ou si elle était là avant, "le manque de fer étant, par exemple, fréquent chez les jeunes filles qui commencent à avoir leurs règles", souligne-t-elle. Là encore, pas de panique : en cas de problème, de fer ou autre, des solutions existent.

Supplémenter si besoin

Si le taux de ferritine (indicateur des réserves en fer) de l’adolescent est inférieur à 20 ng/ml, une supplémentation devra être envisagée pendant quelques mois pour retrouver un bon niveau, en veillant parallèlement à bien doter ses assiettes en fer végétal. "Mais si le jeune végétarien a une alimentation diversifiée et que sa croissance est bonne, il n’y a pas besoin de compléments, indique la pédiatre. Sauf pour la vitamine D, qui est rare dans notre alimentation, et que l’on synthétise principalement grâce aux rayons du soleil. En hiver, j’en prescris d’ailleurs des ampoules à tous les enfants et ados, végétariens ou non, car elle est importante pour la croissance, notamment la minéralisation osseuse."

Les besoins en calcium et en zinc peuvent être couverts si le jeune mange tous les jours des œufs et/ou des produits laitiers. Les choses se compliquent pour les végétaliens, qui ne consomment aucun produit d’origine animale : la supplémentation en vitamine B12 est alors indispensable. Cette dernière sert notamment à la synthèse des globules rouges, et une carence peut entraîner anémie et troubles neurologiques. Ultime précision de la pédiatre : "Les jeunes végétaliens ou les végétariens qui pratiquent un sport à haut niveau doivent toujours être suivis par un médecin nutritionniste." Alors, rassurés ?

Des compléments alimentaires essentiels

Jusqu’à la fin de la croissance, les besoins nutritionnels sont très élevés. Si un régime végétarien avec des aliments riches en micronutriments (fruits et légumes frais et secs, produits céréaliers complets…) est possible, le régime végétalien, sans aucune substance d’origine animale, est contre-indiqué. Un ado qui ne mange pas de poisson va vite se carencer en oméga-3 EPA et DHA, essentiels au cerveau : il doit compenser avec des capsules d’huile d’algue schizochytrium.

Publicité

(Article publié dans le magazine Saveurs Green n° 14, 2022)

Publicité
Publicité
Publicité