Feta AOP : grecque et fière de l’être !
Après avoir été fabriquée un peu partout en Europe, la feta a retrouvé son berceau d’origine et sa vraie saveur. Découvrez la véritable feta AOP.
La feta, AOP depuis 2000
Il faut avoir flâné sur le marché central de Thessalonique pour comprendre les subtilités de la feta. Pas un épicier qui n’en propose au moins trois ou quatre sortes sur son étal, entre les olives de Kalamata et le tarama national. Tels des briques blanches, les fromages trempent dans des tonneaux de saumure. L’homme de l’art en égoutte un et vous en coupe une part. Il vous a demandé, auparavant, si vous préférez celle qui est plus salée, plus acide, plus friable en bouche. Chacun ses goûts… ou ses besoins. Car la feta, en Grèce, ne se mange jamais seule. On l’émiette à la fourchette sur les tomates de la fameuse salade grecque, la pane et on la fait frire. On la fait fondre au four avec des crevettes. Il ne viendrait à personne l’idée de la servir en fin de repas comme un fromage… Derrière ce fromage de tous les jours, il y a donc un art de vivre. Un pays. C’est en tout cas la thèse qu’ont défendue les Grecs lorsqu’ils ont ferraillé avec les instances européennes, dans les années 2000, pour obtenir leur AOP.
Moussaka traditionnelle comme en Grèce
La preuve par Homère
Non sans mauvaise foi, la France (et surtout ses industriels) faisait valoir qu’une bonne part de la production de feta se faisait depuis plus de cinquante ans hors de Grèce, notamment dans l’Hexagone, dans les pays scandinaves, au Canada et en Allemagne. Elle fut en effet largement popularisée dans ces pays par l’émigration grecque. De plus, le mot « feta » ne semble rien devoir à la tradition hellénique, puisqu’il viendrait de l’italien fetta qui signifie « tranche ». Colère des Grecs qui ressortirent Homère et le chant IX de l’Odyssée. Celui-ci ferait du cyclope Polyphème l’un des premiers producteurs de ce fromage. L’argument a fait mouche.
Même si l’on peut trouver, en Bulgarie ou en Turquie des fromages qui lui ressemblent, la feta a officiellement regagné son berceau naturel. Et notre « Salakis » national est devenu… un fromage de Méditerranée.
Revenons donc aux origines : un fromage de chèvre et de brebis. L’AOP n’a retenu que ceux de la Grèce continentale et de Lesbos. Le lait de la traite, donc, est mis à cailler, puis égoutté et moulé. Les pains d’un à deux kilos sont ensuite portés à maturation, durant deux mois minimum, dans de la saumure. C’est l’utilisation de cette saumure, dont la teneur en sel est de 3 à 8 %, qui caractérise la feta. Autant dire que ce fromage, hors de son bain originel, s’oxyde très vite. Pas question de le laisser traîner dans une assiette, il deviendrait aussitôt crayeux et fort. Or, la feta, c’est d’abord une texture…